Déficitaire, le site e-commerce est revendu au géant de la grande distribution, qui profitera de sa puissance pour mieux négocier les prix de gros et créer des synergies avec ses magasins.

Les temps sont durs pour les sites de e-commerce, qui sauf à disposer d'un catalogue original peinent à trouver leurs marges dans un marché où la concurrence est au mieux nationale, au pire européenne voire mondiale. Les clients privilégiant à la fois le prix le plus bas et la qualité de service la plus élevée, et ayant la possibilité de choisir entre des dizaines de boutiques qui s'affrontent dans une même zone de chalandise d'ampleur inédite, les commerçants sont compressés entre d'une part le besoin de se réserver la marge brute la plus faible possible, et d'autre part le besoin d'investir sans cesse pour livrer toujours plus vite, sans erreurs, avec le minimum de retours à gérer. Ceux qui s'en sortent sont donc, souvent, ceux qui disposent des fonds de grands groupes ou de capitaux-risqueurs pour essuyer leurs pertes.

Un nouvel exemple nous vient de Rue Du Commerce. Le site e-commerce est l'un des plus célèbres de France, compte environ 5 millions de visiteurs uniques par mois et un chiffre d'affaires de 316,7 millions d'euros en 2014, mais il perd de l'argent. Entre 10 et 20 millions d'euros par an, selon les estimations du Journal Du Net qui rapporte que son actuel propriétaire, le promoteur de centres commerciaux Alterea Cogedim, jette l'éponge.

Le groupe avait acquis Rue Du Commerce en 2012 pour 100 millions d'euros et trois ans plus tard, il revendrait le site marchand à Carrefour… pour 20 à 30 millions d'euros. Même s'il a acquis des compétences notamment dans la façon d'établir des profils clients grâce à des systèmes de DMP (Data Management Platform), et d'associer des activités web et hors ligne, l'opération paraît catastrophique.

Alterea "avait misé sur le développement de synergies entre ses centres commerciaux et les ventes en ligne de la plate-forme Internet", rappellent Les Echos. "Las, son rachat n'a pas empêché Rue du Commerce de subir les mêmes problèmes que d'autres plates-formes de vente en ligne : ses ventes en propre (quand elle possède les biens) n'étaient pas rentables, vu la concurrence féroce régnant sur les prix des produits high-tech, et ses tentatives pour développer une activité d'hébergeur touchant une commission sur les ventes de sites marchands tiers (c'est la partie la « galerie marchande » de Rue du Commerce, à l'instar d'un centre commercial virtuel) ne suffisaient pas à compenser son déclin par ailleurs".

CONCURRENCER CASINO ET CDISCOUNT

Ces dernières n'auraient rapporté qu'un peu plus de 11 millions d'euros en commissions brutes, alors que l'essentiel de la pression concurrentielle est déportée vers les petits commerçants qui utilisent les services des plateformes comme Amazon Marketplace, eBay, PriceMinister ou d'autres, comme la Galerie RueDuCommerce, pour tenter de trouver des clients.

Il a donc fallu vendre pour arrêter l'hémorragie. "Il nous est apparu que Rue du Commerce, en tant que vendeur de produits high-tech sur le Net, devait se rapprocher d'un acteur majeur de la distribution afin de répondre à la nécessité d'atteindre une taille critique", explique Alterea, qui est entré en négociations exclusives pour céder 100 % de la filiale. L'opération devrait être finalisée début 2016.

Carrefour, lui, devrait utiliser la notoriété et le savoir-faire de RueDuCommerce pour entrer enfin de plein pied dans le secteur du commerce électronique extra-alimentaire. Un domaine où son concurrent Casino est roi avec CDiscount, qui profite de la puissance de la centrale d'achat du groupe. Il pourra offrir des services comme le "click & collect" qui permet aux clients de commander en ligne et d'aller retirer le produit en magasin, parfois immédiatement.

"Cette acquisition fait passer Carrefour dans le petit club des e-commerçants milliardaires de France", remarque le JDNet. "Selon nos estimations, le groupe approche les 700 millions d’euros de ventes en ligne (350 millions sur le drive et autant répartis entre Ooshop, Carrefour.fr non alimentaire, Carrefour Voyages et Carrefour Spectacles). Or Rueducommerce a enregistré en 2014 un chiffre d’affaires de 316,7 millions d’euros. Ne demeureront donc plus devant le retailer que Voyages-Sncf, Amazon, E.Leclerc, Cdiscount, Air France et Auchan"

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