Au Royaume-Uni, le gouvernement réfléchit à durcir la loi contre les pirates. Londres souhaite que la question de l'emprisonnement à perpétuité soit posée pour ceux causant des dégâts très graves contre certains pans de la société. Mais l'initiative est vivement critiquée outre-Manche, notamment parce qu'elle menace potentiellement les lanceurs d'alerte.

Un pirate informatique pourra-t-il un jour être condamné à une peine d'emprisonnement perpétuité ? C'est le scénario sur lequel le gouvernement britannique est actuellement en train de travailler, au motif que les dégâts que certains internautes peuvent infliger grâce aux nouvelles technologies ne sont pas correctement sanctionnés par la législation actuelle.

Londres part du principe que la société est de plus en plus connectée. De fait, elle est sujette aux aléas qui peuvent survenir sur le réseau. Certains incidents peuvent être particulièrement critiques. Cela s'est vu par exemple en France avec la panne du réseau d'Orange, qui participe au bon fonctionnement de nombreux services (distribution d'eau, énergie, santé, transports, secours, informatique…).

Renforcer une loi de 1990

Avec la multiplication des activités qui peuvent être effectuées en ligne, l'équipe de David Cameron souhaite donc étendre l'éventail des peines jusqu'à la prison à perpétuité afin de pouvoir punir les cas les plus extrêmes impliquant la sécurité nationale, l'environnement, la santé ou l'économie. Les situations moins dramatiques seront réprimées par des condamnations moins lourdes.

La législation britannique actuelle comporte une loi (Computer Misuse Act ) qui permet à la justice de prononcer des peines de prison de dix ans maximum en cas d'accès frauduleux à un système informatique et d'altération de son fonctionnement. Elle avait été indirectement mentionnée par la police il y a trois ans, lorsque Anonymous et LulzSec étaient sur le devant de la scène.

Une approche critiquée

Pour certains spécialistes, l'approche du gouvernement n'est pas la bonne. L'universitaire Peter Sommer estime par exemple que la loi est suffisante. Interrogé par le Guardian, il suggère plutôt de bien réfléchir aux chefs d'inculpation au lieu de rehausser le plafond des peines au moindre fait divers.

"Il existe certainement une loi taillée pour chaque situation qui surgit dans le cadre d'une utilisation abusive d'un ordinateur… si vous voulez par exemple poursuivre quelqu'un dans une affaire de terrorisme mêlant la sécurité nationale, alors poursuivez-le en vertu de la législation antiterroriste" a-t-il expliqué, critiquant au passage la classe politique qui veut montrer qu'elle agit mais sans penser aux dérives potentielles des textes qu'elle vote.

Menace sur les lanceurs d'alerte

D'autres en revanche craignent les effets indésirables de cette législation. L'ONG Open Rights Group estime que la rédaction actuelle du texte est trop floue et pourrait fragiliser juridiquement les futurs lanceurs d'alerte qui, par définition, mettent sur la place publique des défaillances graves au sein d'une organisation en lien avec la sécurité nationale, l'environnement, la santé ou l'économie

La commission mixte du parlement britannique sur les droits de l'Homme a un avis similaire. Elle a ainsi manifesté sa crainte sur la portée du texte et les intentions de l'exécutif . "La sécurité juridique impose que les infractions pénales soient définies avec précision afin que les individus sachent comment éviter de telles sanctions. […] "L'imprécision n'est pas permise dans la définition des infractions pénales".


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