C’est un vieux serpent de mer qui continue de roder mais se rapproche de plus en plus de nos contrées. L’Hadopi devrait se pencher très sérieusement sur les pratiques de streaming des internautes français, et obtenir à terme le blocage des sites qui diffusent illégalement de la musique ou des films. Une tactique devenue presque indispensable depuis que la Cour de cassation a brisé la capacité des ayants droit à obtenir des retraits massifs de contenus hébergés.
Nos confrères d’Electron Libre révèlent en effet que la « Hadopi a commencé à consulter sur les meilleurs moyens pour dans un premier temps « observer » les données émises par des sites ne respectant pas les droits des œuvres« . Il ajoute qu’un « protocole technique a été mis en place au sein de l’Hadopi, qui souhaiterait que dans le premier trimestre de cette année une phase de test soit lancée« . Ce qui, soit dit en passant, ne pourra se faire qu’avec la collaboration des fournisseurs d’accès chez qui les sondes seront installées…
Dans sa construction actuelle, qui vise le défaut de sécurisation de l’accès à Internet et ne prévoit que le constat de contrefaçons sur les réseaux P2P, l’Hadopi est incapable de lutter contre la migration des internautes vers les plateformes illégales de streaming ou de téléchargement direct. Les difficultés sont d’abord technologiques, puisque le relevé des adresses IP des utilisateurs n’est possible que sur les réseaux P2P où elles sont publiques – contrairement aux services hébergés, où les communications restent privées. Elles sont ensuite juridiques, puisqu’il n’est même pas certain que la simple consultation d’une œuvre en streaming soit illicite, contrairement à ce que laisse entendre l’Hadopi dans ses avertissements. De plus, la surveillance des flux pour y déceler les communications illicites flirte dangereusement avec la violation de la vie privée.
La solution pourrait donc être pour l’Hadopi d’imiter l’ARJEL, qui a le pouvoir de faire bloquer les sites de jeux d’argent qu’elle n’a pas homologués. Nous avions remarqué il y a dix jours qu’une modification du décret du 5 mars 2010 a étendu les pouvoirs de l’Hadopi, en lui permettant de saisir le parquet pour des faits qui ne se limitent plus à la simple « négligence caractérisée » de l’abonné. La Haute Autorité peut désormais saisir le procureur de la République pour toute contrefaçon par « communication ou mise à disposition du public » d’une œuvre protégée, ce qui peut viser les plateformes de streaming ou de téléchargement.
S’il est ainsi saisi, le procureur peut activer l’article L336-2 du code de la propriété intellectuelle, issu de la loi Hadopi, qui dispose que « le tribunal de grande instance, statuant le cas échéant en la forme des référés, peut ordonner (…) toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier« . Mais le procureur ne peut pas agir seul. Le tribunal ne peut ordonner de mesures de filtrage qu’ « à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés » ou de leurs représentants.
Or ça tombe bien, le décret modifié dit que « les organismes de défense professionnelle et les sociétés de perception et de répartition des droits sont destinataires d’une information relative à la saisine du procureur de la République » par l’Hadopi. Ils pourront donc facilement se porter partie civile pour appuyer la demande de filtrage.
Rappelons que dans sa décision du 10 juin 2010, le Conseil constitutionnel avait émis deux réserves au filtrage ordonnée par les tribunaux : le respect d’une procédure contradictoire préalable, et l’obligation de ne prononcer que des mesures « strictement nécessaires à la préservation des droits en cause« . Le premier rôle de l’observatoire lancé par l’Hadopi pourrait donc être de démontrer que le blocage des plus gros sites de streaming est indispensable à la protection des droits d’auteur.
Contactée, la Haute Autorité ne souhaite pas s’exprimer sur le dossier, si ce n’est pour confirmer « une volonté d’observation » des pratiques de streaming.
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