Il pleut des cordes ce mercredi 8 mars 2023, mais ça n’est pas assez pour doucher l’enthousiasme des milliers de manifestantes et manifestants rassemblés sur la place de la République à Paris. Les groupes se félicitent d’être venus en force, malgré la pluie et une autre manifestation contre la réforme des retraites ayant eu lieu la veille et à laquelle ils sont nombreux à avoir participé sur la place. Mais cette manifestation-là est particulière : c’est la grève féministe, organisée par un groupe d’associations dans plusieurs pays pour la journée de célébration des droits des femmes.
Les revendications de cette édition de la marche annuelle sont diverses, entre demandes pour l’égalité salariale, et soutiens aux « iraniennes, afghanes et kurdes qui subissent une remise en cause de leurs droits fondamentaux ». Contexte oblige, on parle aussi beaucoup retraites cette année dans les cortèges et sur les pancartes.
Mais ce n’est pas tout. Parmi toutes les personnes assez motivées pour braver la pluie ce jour-là, de nombreuses travailleuses portent des revendications particulières : la fin des discriminations et du sexisme ordinaire dans du secteur du numérique.
Des discriminations et du sexisme ordinaire
C’est le cas de Marie, une développeuse back-end qui travaille depuis 2018 sur des postes de développement. Elle n’est pas étrangère au sexisme au travail : « dans la première boite où j’ai travaillé, on était 2 femmes sur une vingtaine de personnes, et j’étais la seule à mes débuts. C’était dur, parce que c’était une équipe qui aimait les blagues beauf, et où il y avait vraiment une ambiance très lourde et pernicieuse. Je me rendais bien compte que qu’on ne m’écoutait jamais, que je ne pouvais jamais rien faire bien, que les remarques étaient toujours très sévères avec moi. Je me disais que c’était mon premier travail donc que c’était normal, que j’apprenais, j’ai même trouvé ça cool. Ce n’est que lorsque j’ai démissionné que j’ai compris que ça n’était pas normal », raconte-t-elle aujourd’hui. « C’était jamais ouvertement « parce que tu es une fille, tu ne sais pas coder », c’était vraiment pernicieux ».
Elle n’est pas la seule à avoir vécu ce genre de chose au travail. La tech reste un secteur majoritairement masculin : selon une étude parue en mars 2022, la proportion de femmes exerçant dans le milieu est de 17%. Un score extrêmement bas qui explique en partie pourquoi certaines entreprises prennent vite des airs de « boys club », où les femmes sont difficilement, voire jamais, incluses.
Depuis 2 ans, Marie, qui est syndiquée chez Solidaires Informatique, travaille pour une entreprise plus bienveillante. « Il a beaucoup plus de femmes, la patronne est une femme et elle a beaucoup de bonne volonté, on sent qu’elle tente et elle veut qu’on recrute des femmes, c’est déjà ça. Mais je suis toujours la seule femme sur une équipe de 10 développeurs », regrette-t-elle.
Aujourd’hui, Marie manifeste « pour les retraites, pour la fin de précarisation des métiers féminins, et pour inciter les femmes à venir dans le milieu de l’informatique », condition sine qua non pour réussir à faire bouger les choses.
Aurélie*, elle aussi développeuse, se souvient également de plusieurs comportements sexistes depuis le début de sa carrière — notamment une remarque de la part d’un de ses collègues masculins sur les règles d’une autre de ses collègues. « Il y a aussi les questions de salaire, je sais que les femmes étaient payées moins que les hommes développeurs », se souvient-elle. Ce genre de sexisme reste malheureusement toujours dur à prouver : « je ne savais pas si les hommes étaient plus expérimentés, certaines femmes étaient en reconversion… en fait, c’est un sexisme insidieux et on ne sait pas toujours s’il y en a ou pas ». Elle explique manifester aujourd’hui « pour les droits des femmes et la fin des violences et l’égalité salariale dans tous les domaines et pour le partage du travail domestique… pour l’égalité réelle en fait ».
Du sexisme et du harcèlement sexuel
Mais il n’y a pas toujours que des remarques ou des choses pernicieuses : les femmes sont toujours victimes de discriminations très frontales.
Carla*, une femme trans ingénieure en informatique, a entamé sa transition alors qu’elle était en poste. Depuis, elle a dû, à plusieurs reprises, faire face à de la transphobie au sein de son entreprise. « J’ai eu des remarques, du harcèlement de fond de la part d’une personne en particulier », raconte-t-elle aujourd’hui. « Avant que je fasse mon coming out trans, mon expression de genre était androgyne, et on m’a demandé de clarifier ma situation. Quelqu’un qui occupe une position de RH il m’a dit que l’entreprise avait embauché un homme, et on m’a fait ressentir que ce n’était pas normal que je transitionne ».
Ce n’est malheureusement pas le seul exemple de discrimination. Selon elle, certaines femmes de son entreprise ne sont pas considérées comme compétentes, et subissent du mansplaining et des remarques dégradantes de la part de leurs collègues masculins régulièrement. « Il y a aussi du harcèlement sexuel », continue Carla, « des paroles explicites à connotation sexuelle de la part de collègues, des blagues sur la fellation au bureau pendant le travail, pendant les pauses le midi ».
« Ce ne sont pas des comportements isolés, il y a du sexisme et de la violence. Et malheureusement, les victimes ne veulent pas faire de vagues et se contentent d’excuses à huis clos ou d’un avertissement. Mais les abuseurs recommencent après, les rappels à l’ordre ne suffisent pas », regrette Carla.
Mais c’est pour faire changer ces comportements une bonne fois pour toutes que Carla est sortie aujourd’hui, « pour montrer qu’on est là, qu’il y a des femmes dans la tech. Il faut embaucher des femmes, mais aussi tout faire pour les garder. J’ai des collègues femmes qui sont parties à cause de ces histoires de harcèlement, donc il faut absolument arrêter cet entre-soi masculin. Il faut militer, il faut être solidaire avec les meufs et faire des choses concrètes, pas seulement des soutiens symboliques ».
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