En jugeant en juillet 2008 qu’il n’était pas légal de prendre en compte les téléchargements sur les réseaux P2P ou les autres formes de piratage dans les pratiques de copie privée compensées par la taxe payées sur les CD vierges et autres matériels d’enregistrement, le Conseil d’Etat devait logiquement amener la commission à réviser à la baisse les taxes pour copie privée votées jusque là. Mais les ayants droit, non contents d’avoir réussi à faire adopter par la Commission d’Albis les mêmes montants qu’auparavant, au centime près, malgré le changement de mode de calcul, préparent désormais une augmentation de la taxe.
La Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), qui représente les majors de l’industrie musicale, attend avec impatience les prochaines réunions de la commission, à partir du mois de février prochain, pour adopter de nouveaux barèmes. Augmentés, ils permettraient au minimum de compenser la baisse continue des revenus du disque et d’assurer un revenu constant aux maisons de disques.
Electron Libre rapporte ainsi qu’en 2008, la société de gestion présidée par Pascal Nègre enregistre une baisse de 4,8 % de ses recettes pour un total de 58,34 millions d’euros, due essentiellement à une baisse de diffusion des clips sur les antennes de télévision et à une régularisation des perceptions en faveur des labels indépendants représentés par la SPPF. Mais pour 2009, les majors attendent une baisse de près de 15 % de la rémunération pour copie privée. Plutôt que d’alléger la taxe pour limiter le marché gris, les producteurs veulent donc à nouveau l’augmenter, comme ils l’ont fait sans relâche depuis 2001.
La licence globale sans licence
Avec le nouveau barème qu’ils proposent, « sur un disque dur externe cette redevance passerait en moyenne de 5,04 euros à 23,49 euros ou encore le même en version multimedia (ceux des décodeurs audiovisuels notamment) passerait de 10 euros à 105 euros !« , rapporte notre confrère. « Enfin, pour un lecteur MP3 de type iPod capable de stocker des vidéos, elle serait de 29,56 euros contre 8 actuellement« .
Pour justifier ces augmentations de tafifs, la SCPP assure qu’il y a plus d’œuvres qu’auparavant stockées sur les mêmes supports, grâce à une augmentation supposée du taux de compression des fichiers, et note que les pratiques ont évolué. Désormais les consommateurs copient, effacent, puis copient à nouveau les mêmes fichiers, selon leurs besoins du moment. Or pour la SCPP, il faut passer à la caisse à chaque acte de copie.
Pour l’industrie du disque, c’est aussi un aveu d’échec. Celui que l’industrie musicale ne peut plus vivre aujourd’hui sans la subvention publique qu’est la rémunération pour copie privée, dont les fondements sont des plus contestables. En pratique le droit à la copie privée qu’elle est censée compenser a été rogné par les tribunaux, qui refusent (à juste titre dans l’état actuel du droit) de considérer que le téléchargement est une source licite de copie privée.
Or aucune taxe pour copie privée ne peut être légitime si elle n’est pas accompagnée en contrepartie par la légalisation des pratiques de copie privée qui sont aujourd’hui condamnées. Il faudra que les producteurs de disques aillent au bout de cette logique, comme l’amorce Warner Music Group aux Etats-Unis. Nier cette évolution du droit, c’est vouloir le paiement de la licence globale qu’ils refusent d’accorder.
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