Le Conseil d’Etat a donné raison aux industriels et au bon sens. Dans une décision qui fera date, la haute juridiction administrative a rappelé que la rémunération pour copie privée n’était pas là pour compenser les pertes liées au piratage, et a annulé la taxe sur les mémoires et disques durs intégrés à un baladeur ou à un appareil de salon. L’annulation ne sera effective que dans 6 mois.

Le Conseil d’Etat a suivi l’avis du Commissaire du gouvernement et la demande du Simavelec, le syndicat des industriels qui avait réclamé l’annulation d’une décision de la commission copie privée du 20 juillet 2006 portant sur l’extension de la rémunération pour copie privée aux baladeurs et enregistreurs de salon. Les juges administratifs ont constaté que la Commission d’Albis, dont le fonctionnement est en voie d’être réformé, avait tenu compte pour chaque support du préjudice subi non seulement du fait des copies privées licites, mais également (surtout) du fait des copies illicites de films et de musique réalisées notamment à partir des réseaux P2P.

Dans sa décision, le Conseil d’Etat a rappelé que « la rémunération pour copie privée a pour unique objet de compenser, pour les auteurs, artistes-interprètes et producteurs, la perte de revenus engendrée par l’usage qui est fait licitement et sans leur autorisation de copies d’œuvres fixées sur des phonogrammes ou des vidéogrammes à des fins strictement privées« . Donc, « contrairement à ce que soutient le ministre de la culture et de la communication, la détermination de la rémunération pour copie privée ne peut prendre en considération que les copies licites« , indique le Conseil d’Etat, qui inflige au passage un camouflet à Christine Albanel – laquelle, il faut le reconnaître, ne fait que suivre la position historique de tous les pensionnaires de la Rue de Valois.

Or, « pour déterminer le taux de la rémunération pour copie privée, la commission [copie privée] tient compte tant de la capacité d’enregistrement des supports que de leur usage, à des fins de copies privées licites ou illicites, sans rechercher, pour chaque support, la part respective des usages licites et illicites« .

Et donc, « en prenant en compte le préjudice subi du fait des copies illicites de vidéogrammes ou de phonogrammes« , la Commission d’Albis a outrepassé les termes de la loi, et la décision doit être annulée. Le montant de la taxe pour copie privée devrait ainsi être revu très largement à la baisse, car on ne peut pas taxer au titre d’un droit que les consommateurs n’ont pas. S’il est illégal de télécharger, il est illégal de taxer pour le téléchargement. Implacable.

L’arrêt du Conseil d’Etat, qui ne vise ici que la décision du 20 juillet 2006, devrait en toute logique s’étendre à l’ensemble des objets taxés au titre de la copie privée. Une grande partie des décisions de la Commission d’Albis sont déjà attaquées sur les mêmes motifs et devrait donc être annulée de la même façon.

En théorie, l’annulation d’un acte administratif a un effet immédiat et rétroactif. La taxe payée par les industriels et donc par les consommateurs devrait donc être remboursée. Mais le Conseil d’Etat joue l’apaisement. Il a estimé à titre exceptionnel qu’une annulation de la décision aurait ici « des conséquences manifestement excessives », puisque non seulement il aurait fallu rembourser les industriels, mais probablement aussi reprendre aux artistes et aux producteurs l’argent qui leur a été versé ou promis au titre de cette taxe. L’annulation ne sera donc effective que dans six mois.


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