Plus de 9 milliards de dollars vont être dépensés en techniques de protection anti-copie par les industries des loisirs, de la culture et des logiciels, pendant les cinq prochaines années. Le budget annuel accordé aux DRM pourrait doubler d’ici 2012. Pour quoi faire ?

C’est une des grandes victoires de l’industrie du logiciel sur ces dix dernières années : réussir à faire croire aux industries de la culture et des loisirs numériques que la protection contre la copie est utile, nécessaire, et surtout efficace. Le discours, à vocation purement commercial, a convaincu les décideurs des grandes industries du droit d’auteur qu’il leur fallait dépenser des dizaines de millions de dollars chacune dans le développement de solutions anti-copie ou de systèmes de gestion électronique des droits. En 2007, c’est plus de 1 milliard de dollars qui devrait être dépensé pour la protection technique des œuvres.

D’ici 2012, le montant annuel dépensé par l’industrie pour imposer des solutions matérielles et logicielles contre la copie devraient être quasiment multiplié par deux, et atteindre 1,94 milliard de dollars. La somme est élevée, mais elle est très relative au regard des milliards de dollars de recette encaissés chaque année par les industries du logiciel, de la culture et des logiciels numériques. En réalité, le véritable coût des DRM n’est pas dans les licences ou dans la recherche et développement, mais dans le manque à gagner pour l’industrie.

La contre-performance économique des DRM

Les DRM (Digital Rights Management), protégés en France par la loi DADVSI du 1er août 2006, n’ont jamais prouvé leur efficacité commerciale. Bien au contraire, les voix s’élèvent jour après jour pour dénoncer ces systèmes de protection qui, loin de convaincre le consommateur qu’il faut acheter des œuvres protégées, les dissuadent et les dirigent tout droit vers les réseaux P2P que les mêmes DRM sont censés contrer. Sur les réseaux de partage de fichiers, les internautes trouvent en effet les œuvres libérées de tout carcan technique.

Dernière voix en date à s’être élevée contre les DRM, celle de Musicload en Allemagne. La boutique de musique en ligne de T-Online (filiale de Deutsche Telekom) accuse les DRM d’être responsables de 3 problèmes sur 4 soulevés par ses clients après l’achat de titres musicaux. A l’image de la Fnac ou de VirginMega en France, Musicload a commencé à vendre quelques titres sans DRM, notamment ceux du catalogue du label indépendant Four Music. Depuis décembre où les DRM ont été retirés au profit du seul format MP3, Four Music a vu ses ventes augmenter de 40 % sur la plate-forme. D’autres labels comme Aredo, K7, Rebeat, Spectre et ZYK ont suivi le mouvement, et vendent leur musique au format MP3. Denis Olivennes, le patron de la Fnac, indiquait lui-même récemment que les labels qui jouent le jeu du MP3 sans DRM ont vu leurs ventes augmenter de 5 à 10 % en moyenne. Ceux là ont compris que le DRM était un frein et non un incitateur à la consommation.

Si les majors du disque et du cinéma continuent à dépenser des millions de dollars en DRM, c’est qu’elles entretiennent dans leurs têtes le fantasme du système anti-copie parfait. Celui qui, une fois pour toute, empêchera tout circuit alternatif de distribution de voir le jour. Les majors refusent d’abandonner ce rêve auquel elles ont tant cru lorsqu’elles écoutaient les beaux discours pleins de promesse des industries du logiciel et de l’informatique. Les majors sont comme des amoureuses éperdues, trompées par leur prince charmant, mais toujours fidèles et dans le déni constant. Il faut comprendre qu’il est extrêmement difficile pour elles d’admettre qu’elles ont pendant des années dépenser sans compter et qu’il leur faut désormais se soumettre à abandonner ce pour quoi elles ont tant espérer. Ca n’est pas de l’égo mal placé ni du machiavélisme. C’est de l’amour qui, comme tant d’amours, est devenu irrationnel.

Cette année encore, elles ont été trompées. On leur avait promis que les HD DVD et Blu-Ray ne pourraient pas être copiés. Ils l’ont été et plus vite que quiconque aurait cru. L’industrie informatique, qui a toujours les mots pour séduire, trouvera sans doute ceux qu’il faut pour convaincre Hollywood d’investir encore davantage pour combler ces nouvelles brèches. C’est la danse permanente à laquelle se livrent ces deux industries depuis tant d’années. Jusqu’à ce que peut-être, enfin, la courbe s’inverse et les budgets DRM s’abaissent.

Mais ce jour là n’est pas prêt de venir. Le coeur a ses raisons que la raison ignore.


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