Pour la première fois en France, un tribunal chargé de régler les litiges de la Sécurité Sociale a reconnu que l'hypersensibilité électromagnétique, ou plus exactement le sentiment d'être hypersensible aux ondes et d'en développer des symptômes, pouvait être source d'un handicap et donner droit à la solidarité.

Selon l'AFP, la justice a reconnu pour la première fois l'existence d'un handicap grave dû à l'électrohypersensibilité, un mal dont le lien réel avec les ondes électromagnétiques reste très contesté par la communauté scientifique, mais dont l'existence a minima en tant que maladie psychosomatique n'est guère disputée.

Ainsi un jugement récent du tribunal du contentieux de l'incapacité de Toulouse, un organe de règlement des litiges de la Sécurité Sociale dont le jugement s'impose à elle, aurait admis la réalité du "syndrome d'hypersensibilité aux ondes électromagnétiques" dont la requérante, une ancienne journaliste de 39 ans aujourd'hui recluse dans les montagnes, se dit victime. Expertise médicale à l'appui, elle a pu convaincre le tribunal de lui accorder les droits correspondants à une invalidité à 85 %, "avec restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi". Elle peut ainsi bénéficier de trois ans d'allocation pour adulte handicapé, renouvelable après réexamen de son dossier, sous forme d'aide technique, et d'aménagement de son logement.

"Il s'agit d'un grand pas en avant pour la reconnaissance de ce syndrome d'électro-hypersensibilité. La Justice – comme souvent – est en avance sur les politiques", s'est réjoui le porte-parole de l'association Robin des Toits, qui milite pour un usage modéré des ondes et l'aménagement de zones sans ondes électromagnétiques.

LES SYMPTÔMES RECONNUS, PAS LEUR CAUSE

Il faut toutefois comprendre que le tribunal a reconnu le handicap sans reconnaître la cause de la maladie. Les personnes atteintes du syndrome d'hypersensibilité électromagnétique (HSEM) développent des symptômes au niveau de la peau (rougeurs, picotements, brûleurs…) ou de l'organisme (fatigue, difficulté à se concentrer, nausées, palpitations cardiaques,…), dont la réalité n'est pas contestée. En revanche, la cause de ces symptômes, que ces personnes attribuent à la présence d'ondes électromagnétiques, ne fait l'objet d'aucun consensus scientifique. Si ce n'est contre l'origine électromagnétique.

Les tests menés en double aveugle n'ont jamais permis de vérifier que les personnes soumises à des ondes parvenaient à détecter leur présence ou leur absence. Si les ondes jouent un rôle dans la maladie, il serait donc indirect, par l'effet des ondes sur des éléments de l'environnement qui eux-mêmes influeraient sur l'état de santé du malade. Mais le plus probable est que le handicap ait une origine purement psychosomatique, la simple connaissance du fait que des ondes sont présentes générant chez les individus concernés une réaction anormale. 

UNE ORIGINE PROBABLEMENT PSYCHOSOMATIQUE

"La HSEM présente des analogies avec les sensibilités chimiques multiples (SCM), un autre trouble associé à des expositions environnementales de bas niveau à des produits chimiques. La HSEM, comme les SCM, se caractérisent par une série de symptômes non spécifiques, pour lesquels on manque d'éléments tangibles sur le plan toxicologique ou physiologique, ou de vérifications indépendantes", expliquait l'OMS en 2005. L'organisation parle d'une "intolérance environnementale idiopathique (IEI)", avec des symptômes "qui restent non expliqués sur le plan médical et dont les effets sont préjudiciables pour la santé des personnes".

Dix ans après le constat et les connaissances de la communauté scientifique n'ont guère évolué. Cette année encore, une étude épidémiologique publiée dans l'International Journal of Hygiene and Environmental Health a conclu qu'il n'y avait aucune preuve du moindre lien entre les ondes élecromagnétiques et le syndrome de HSEM. Une étude publiée en début d'année dans le journal Bio Electromagnetics, réalisée auprès d'une centaine d'individus se disant électrosensibles, a également été menée, qui montre que les sensations de mal-être étaient ressenties lorsque les émissions d'ondes étaient ouvertement activées, mais pas lorsque les individus n'étaient pas informés de l'activation ou non des émetteurs.


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