La cour d'appel de Paris a jugé le 17 octobre 2014 que Facebook France n'était ni l'éditeur ni l'hébergeur des contenus publiés en France sur Facebook, paralysant ainsi l'action entreprise par une internaute qui avait obtenu en première instance qu'une page fermée abusivement soit rouverte par le réseau social. La justice française impose de diriger l'action contre Facebook Irlande.

A l'injustice de la situation s'ajoute le sentiment d'impuissance de la justice. Un an après le jugement du tribunal de grande instance de Paris qui avait ordonné à Facebook la réouverture d'une page consacrée à Plus Belle La Vie qui avait été fermée abusivement à la demande du producteur de la série française, la deuxième chambre de la cour d'appel a refusé vendredi de confirmer la décision, comme le révèle l'arrêt publié par Next Inpact. Les juges estiment que l'animatrice de la page, qui avait réuni plus de 600 000 fans, n'était pas fondée à attaquer la filière française de Facebook en France.

"Rien ne démontre, et il n'est même pas soutenu que la société Facebook (France) opère et héberge le service Facebook", écrit la cour d'appel de Paris pour écarter la responsabilité de la filiale française au titre de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN). A l'égard des contenus créés et publiés en France sur le réseau social, Facebook France n'est ni hébegeur, ni éditeur.

 "La société Facebook France a pour activités selon son extrait Kbis, de fournir au groupe Facebook des prestations de servies en rapport avec la vente d'espaces publicitaires, le développement commercial, le marketing, les relations publiques, le lobbying, la communication, le support juridiques et toutes autres prestations de services commerciales, administrations et/ou informatiques visant à développer les services et la marque Facebook en France. Elle n'est pas titulaire des noms de domaine Facebook", relèvent les juges.

Une loi LCEN à rectifier ?

"Il en ressort que la société Facebook Inc Ireland et la SARL Facebook France sont des entités juridiques différentes, que les activités de cette dernière sont différentes de la société mère et strictement limitées à des fonctions de conseil en communication et de marketing, qui ne dispose pas d'autorité ou de contrôle sur les opérations et le contenu du service Facebook.com".

Il aurait donc fallu que la plaignante, qui voulait faire reconnaître le tort créé par la fermeture abusive de sa page au profit du producteur de Plus Belle La Vie, attaque directement la maison mère domiciliée en Irlande, voire le groupe Facebook aux Etats-Unis. 

Par cette décision, la cour d'appel de Paris met en péril l'accès à la justice pour les justiciables français, pour qui attaquer les sociétés étrangères représente des coûts en procédures beaucoup plus importants, et des délais allongés. Elle est cependant contrainte par le droit.

Dans son célèbre arrêt Google Spain sur le droit à l'oubli, du 13 mai 2014, la Cour de Justice de l'Union Européenne avait réussi à retenir la responsabilité d'une filiale nationale du moteur de recherche. Google avait là aussi cherché à se dégager de la responsabilité de sa filiale espagnole, en prétendant que le traitement des données personnelles qui lui était reproché était "effectué exclusivement par Google Inc, qui exploite Google Search sans aucune intervention de la part de Google Spain, dont l'activité se limite à la fourniture d'un soutien à l'activité publicitaire du groupe Google qui est distincte de son service de moteur de recherche". Mais la CJUE avait pu rejeter l'argument en profitant de la rédaction large de la directive 95/45/CE sur les données personnelles, qui rendait les filiales responsables de tout traitement réalisé par d'autres "dans le cadre des activités" de la filiale, et qu'il y avait un lieu évident entre publicité et moteur de recherche. 

Cependant dans le cas de Facebook, ce n'est pas un problème de données personnelles qui est en jeu, mais de liberté d'expression. Or rien dans la LCEN ne permet de tenir une filiale co-responsable de l'hébergement fait par une société soeur, même si cet hébergement est indissociablement lié à l'activité de la filiale attaquée. C'est là sans doute un point qui mériterait correction.


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