Quelle époque formidable pour les juristes ! Copie privée autorisée par ci, condamnée par là, protections autorisées ici, refusées là. Le 22 avril, c’est la cour d’appel de Paris qui a condamné la présence de systèmes anti-copie sur un DVD. On finit par ne plus y comprendre grand chose, mais rassurons-nous, ça deviendra pire.

Le 15 avril dernier, l’UFC-Que-Choisir était déboutée par la cour d’appel de Versailles de sa demande d’interdire l’intégration des systèmes anticopie sur les CD audio. Pour les juges, l’association n’avait pas apporté la preuve que les mesures de protection contre la copie des CD audio sont illégales.

Le 22 avril, la cour d’appel de Paris a pris la position inverse concernant les DVD. Protéger les DVD contre la copie est tout simplement incompatible avec le droit à la copie privée, et les systèmes anti-copie doivent donc être interdits.

L’UFC-Que Choisir s’était saisie du cas d’un consommateur qui, souhaitant porter un DVD sur VHS pour lire la vidéo sur le magnetoscope de sa mère, n’était pas parvenu à copier sur cassette vidéo le DVD du film Mulholland Drive de David Lynch.

Quoi de plus légitime ?

Les producteurs Alain Sarde et Studio Canal avaient pourtant gagné en première instance, mais subissent en appel un sérieux revers.

Interdit d’interdire

L’indication « CP » (pour « Copie Prohibée ») qui figurait sur la jaquette du DVD n’était pas explicite ni assez visible pour le consommateur, qui pouvait légitimement penser que le DVD était copiable. Mais selon les motifs employés par le juge, les producteurs n’ont pas seulement été condamnés sur la base d’une insuffisance d’information, mais bien sur le principe même d’interdire au public de réaliser une copie de l’œuvre légalement acquise.

L’article L.122-5 2° code de la propriété intellectuelle le dit bien :

« Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire (…) les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective« .

L’interprétation de la cour de Paris est donc parfaitement littérale et ne doit pas surprendre.

Pour Gaëlle Patetta, du service juridique de l’UFC-Que-Choisir, le jugement pourrait s’appliquer à d’autres cas « dès lors que vous avez acheté licitement le DVD original« .

Il faudra néanmoins que la cour de cassation se prononce définitivement sur l’interprétation à donner à l’article L.122-5 dans l’environnement numérique.

Les Films Alain Sarde et Studio Canal ont maintenant un mois pour déverrouiller leurs DVD. Alain Sarde et Universal Pictures Video France ont été condamnés à verser 100 euros de dommages et intérêt au consommateur, et les deux sociétés ainsi que Studio Canal doivent également lui verser 150 euros, et 1500 euros au bénéfice de l’association.


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