Visiblement incapable de faire face à ses charges financières, le label communautaire Spidart serait en train de se placer en redressement judiciaire. Une annonce qui étonnne tant le modèle économique des labels communautaires semblait étudié pour faire peser l’essentiel du risque financier sur des internautes-producteurs.

Mise à jour : Nicolas Claramond, le PDG-fondateur de Spidart, a officialisé « la mise en redressement judiciaire de Spidinvest (Spidart), assortie d’une poursuite d’activité« . « Concrètement cela veut dire que le Tribunal de commerce de Lyon a pris en compte les éléments que nous lui avons soumis et plus globalement, qu’il croit en Spidart, en vous, en les artistes et en nous« , annonce le chef d’entreprise sur le blog de la société, qui prévient que « rien n’est évidemment gagné et nous devons rester vigilants« .

Article du 27 novembre 2009- Spidart fait partie des premiers labels communautaires créés en France, pour lesquels nous avions consacré un grand dossier en 2007. On jurait alors que les entrepreneurs avaient flairé le bon filon. Plutôt que d’endosser eux-mêmes les risques financiers de la production des artistes, comme le faisaient majors et indépendants depuis des décennies, les labels communautaires proposent aux internautes d’investir leur argent sur des artistes qui ne commenceront à rapporter qu’après la production de leur premier album. Dans le cas de Spidart, la production ne débute que lorsque les internautes-producteurs ont misé collectivement au moins 50.000 euros sur le même artiste. Un budget confortable pour enregistrer un album en studio, réaliser un clip et des visuels.

D’après la FAQ de Spidart, les 50.000 euros doivent couvrir la « pré-production (avec l’accompagnement par un producteur artistique), l’enregistrement, la post-production, location des studios, salaires des ingénieurs-son, des musiciens, etc. Mais aussi le pressage des disques, puis la promotion« . En clair, la quasi totalité des frais générés par la production d’un artiste, qui constituent l’essentiel des risques financiers d’un label traditionnel.

Le concept nous semblait d’autant plus intelligent d’un point de vue entrepreneurial que l’argent versé par les internautes peut être placé et peut donc fructifier avant d’être enfin investi dans la production. Plus il y a d’artistes à produire qui attendent d’avoir dépassé les 50.000 euros, plus il y a en principe d’argent qui dort dans les caisses du label communautaire et qui peut rapporter des intérêts. S’il y a par exemple 10 artistes qui comptent chacun 40.000 euros d’investissement, c’est 400.000 euros en réserve qui n’ont pas encore à être débloqués, et qui peuvent rapporter. C’est aussi de l’argent qui peut servir de fonds de roulement pour le fonctionnement de Spidart, qui se réserve par ailleurs 30 % des gains des ventes d’albums et de singles.

Dès lors, c’est avec une certaine stupeur que nous apprenons les difficultés financières de Spidart. Nicolas Claramond, le PDG-fondateur de Spidart, a envoyé mardi aux membres du site un e-mail dans lequel il annonce avoir « pris contact avec le tribunal de commerce de Lyon en vue de l’ouverture d’une procédure qui préserve au mieux les intérêts de l’entreprise« . Il doit s’agir d’un redressement judiciaire.

Selon Challenges, qui cite une source interne, les salariés « n’étaient plus payés depuis plusieurs semaines, les comptes bancaires sont bloqués et les artistes ne savent pas si leurs fans reverront un jour les sommes qui ont été investies« . Le magazine dit aussi que Spidart aurait récolté 750.000 euros auprès de 7.000 internautes-producteurs. De son côté, PC Inpact dénonce le « mutisme total de Nicolas Claramond« , qui ne communique même plus avec ses propres employés. C’est dire l’ambiance.

Outre les producteurs qui pourraient ne jamais récupérer leurs billes, et les artistes qui s’inquiètent de leur avenir alors que certains étaient liés avec Spidart, ce sont les concurrents du label qui voient la nouvelle d’un très mauvais oeil. « Nous avons pris toutes nos précautions pour protéger l’argent des internautes, qui est placé sur des comptes de tiers« , assure ainsi Simon Istolainen, le directeur de MyMajorCompany, qui a demandé à l’Autorité des Marchés Financiers l’autorisation de gérer l’argent de tiers. Dans ce cas, les sommes versées sur ces comptes ne peuvent pas être saisies, ce qui apporte une sécurité aux producteurs.

MyMajorCompany met également cartes sur table, en annonçant un chiffre d’affaires de 3,5 millions d’euros pour les trois premiers trimestres 2009. Le site a produit 15 artistes, avec un total de 1,3 millions d’euros collectés.


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