Après la mission confiée au patron de la FNAC de l’époque Denis Olivennes, sur la lutte contre le piratage et le chantier Hadopi 1, c’est le producteur de Carla Bruni Patrick Zelnick qui aura la charge de présider la mission sur le développement de l’offre légale souhaitée par Frédéric Mitterrand. Un choix qui place d’emblée l’offre légale sous le protectorat des producteurs, plutôt que l’indépendance des créateurs.

Mise à jour 14 septembre : Dans un article publié ce jour, Libération confirme ce que nous indiquions sur les conclusions déjà toutes trouvées de la mission Zelnick. « C’est un secret de polichinelle« , écrit notre confrère qui a interrogé le producteur, « la question de la taxation des fournisseurs d’accès et des moteurs de recherche sera bien au coeur des travaux de cette mission chargée de donner une autre image des industries culturelles auprès des internautes« . La licence musique proposée par Laurent Petitgirard devrait trouver un écho favorable entre gens consentants.

Article du 3 septembre 2009 : Sans attendre le vote au Parlement du projet de loi de protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet (Hadopi 2), qui doit intervenir au milieu du mois, le ministre de la culture Frédéric Mitterrand doit installer ce jeudi « une mission pour améliorer l’offre légale en musique ou films sur Internet« . C’est la fameuse Hadopi 3 dont il s’est voulu l’architecte dès son entrée au gouvernement, comme s’il savait déjà que le volet répressif de la loi n’allait pas fonctionner.

Cette énième mission aura donc pour charge de proposer des voies d’amélioration de l’offre légale en France, officiellement dans le but d’améliorer la rémunération des auteurs. Lors des débats sur la loi Hadopi 2, Frédéric Mitterrand avait en effet assuré qu’il ouvrirait « dès la promulgation de la loi » (il n’a en fait pas attendu) le chantier d’une « définition des nouvelles conditions de rémunération des créateurs« , à travers une « vaste concertation avec tous les acteurs de la culture et de l’internet« . La belle idée.

Mais à qui Frédéric Mitterrand, membre de la SACD, confie-t-il la présidence de cette mission destinée à réfléchir à la rémunération des créateurs ? A un producteur ! La belle indépendance…

Patrick Zelnick, PDG du label Naïve (photo ci-dessus) et à ce titre également producteur de Carla Bruni, aura ainsi pour charge de présider les travaux. Comme si l’on avait demandé à Jérôme Kerviel de présider une commission sur le plafonnement des bonus pour les traders, ou à Michel Edouard-Leclerc de chapoter une mission sur la pression des centrales d’achat des grandes surfaces sur les marges des agriculteurs. Certes, Naïve fait partie des labels qui tentent d’innover, et qui avait par exemple offert gratuitement en streaming l’album de Carla Bruni, mais la mission Zelnick n’a pas commencé son travail que l’on peut déjà douteur de la qualité des recommandations qui seront faites pour favoriser une meilleure répartition des revenus entre auteurs et producteurs.

Le choix de Patrick Zelnick n’est pas tellement une surprise. En avril dernier, le patron de Naïve avait émis l’idée d’organiser une table ronde pour discuter de la rémunération de la création sur Internet, provoquant une réponse en 10 propositions de Jacques Attali.

La mission sera également composée de l’ancien ministre de la culture Jacques Toubon, qui a été un opposant virulent à l’amendement Bono et un soldat volontaire de la défense de la riposte graduée au Parlement Européen. Partisan du filtrage, il n’a pas jusqu’à présent démontré une vision particulièrement ouverte et progressiste du financement des œuvres sur Internet.

Enfin, la mission sera aussi composée de Guillaume Cerutti, ancien directeur de cabinet au ministère de la culture entre 2002 et 2004, et aujourd’hui PDG de Sotheby’s France, une grande société internationale de vente aux enchères.

Déjà pour Hadopi 1, le gouvernement avait confié la présidence de la mission de consultation sur la riposte graduée au patron de la FNAC de l’époque, Denis Olivennes, entouré pour seul économiste d’Olivier Bomsel, lui-même producteur et vif opposant aux échanges sur les réseaux P2P. On a vu le résultat : une loi faite dans l’asphyxie la plus totale, sans réelle consultation de la société civile, qui s’est avérée sévèrement inconstitutionnelle dans ses propositions les plus emblématiques.

Hadopi 3, malheureusement, semble déjà suivre le même chemin. La conclusion paraît déjà toute écrite : une taxation des FAI sans contre-partie véritable pour les internautes, si ce n’est la mise à disposition par les principaux FAI de plateformes privées au catalogue restreint, sans liberté de redistribution des œuvres.
Une proposition que veulent déjà contrer les associations de consommateurs, d’internautes et de certains créateurs avec la plateforme Création Public Internet, qui milite pour une licence globale et doit commencer ses travaux en cette fin d’année.


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