Invité à exposer la position de la Commission européenne dans le cadre de la discussion des parlementaires sur le rapport consacré à la législation robotique, Roberto Viola, chef de la direction générale Connect, considère que l’Union européenne doit maintenir son leadership.

L’Union européenne doit continuer à investir massivement dans la technologie, et en particulier dans les domaines stratégiques que sont l’intelligence artificielle et la robotique, si elle ne veut pas se faire damer le pion par les autres grandes puissances. Tel est en substance le message qu’a fait passer Roberto Viola, le directeur général de la direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies (DG Connect) ce mercredi matin.

Invité au Parlement européen pour exposer la position de la Commission européenne sur l’émergence des robots, l’Italien l’a répété : pour rester compétitif et s’assurer une place de leader dans des secteurs qui façonneront radicalement le monde de demain, le Vieux Continent doit être à la pointe, ne serait-ce que pour essaimer à travers ces bouleversements les valeurs de l’Union, qu’il s’agisse de la démocratie, de la paix ou encore de la liberté d’expression.

« Il faut être anticipatif », soutient Roberto Viola. Devant les journalistes rassemblés en séminaire, les atouts considérables des vingt-huit États membres sont vantés : « nous avons, en Europe, la meilleure technologie », citant au passage le lancement, il y a deux ans et demi, du plan Sparc, « le plus grand programme de recherche civile pour les robots dans le monde », qui doit avoir de très importantes retombées dans les années à venir puisqu’il doit doit générer en bout de course jusqu’à 240 000 emplois sur tout le continent.

Mais face aux promesses hypothétiques de demain, il y a les inquiétudes concrètes d’aujourd’hui. Inquiétudes que l’exécutif ne peut pas ignorer. Aussi, Roberto Viola l’assure : « la Commission européenne étudie de très près tous ces aspects », Bruxelles sachant bien que cette nouvelle révolution industrielle polarise le monde entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas. « Cela peut générer des inégalités ; la classe moyenne voit déjà des changements sur le marché de l’emploi ».

« Nous devons comprendre la situation de façon responsable, avec l’OCDE, les États membres, les économistes, nous devons savoir quels sont les modèles, qu’est-ce qui se passe sur le terrain » avant de légiférer dans un sens ou dans un autre. Voire de ne pas toucher à la législation du tout. Quel que soit le chemin emprunté, il faudra avancer tous ensemble. « La législation n’aura de sens qu’au niveau européen, sinon nous risquons de voir naître le chaos », prévient-il.

Cette nouvelle révolution industrielle risque de polariser le monde entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas

Prenant l’exemple des voitures autonomes, il explique qu’il faudra un cadre commun pour qu’un véhicule traversant la frontière ne se retrouve pas déstabilisé avec le code de la route du nouveau pays. L’exemple est trivial mais il illustre bien les défis auxquels les pays vont être confrontés avec la montée en puissance de la robotique et de l’intelligence artificielle.

Ce mouvement vers la robotisation, l’IA, en somme l’automatisation, est inarrêtable, du point de vue Roberto Viola. « Il y a beaucoup de raisons dans notre société qui font que nous devons encourager l’automatisation ». Les voitures autonomes sont plus sûres, les tâches dangereuses ou inintéressantes pourront être confiées à des machines. Le grand public lui-même sera de plus en plus demandeur pour s’épargner certains risques, certaines activités. Qui voudra en effet porter de lourdes charges si un androïde peut le faire sans se ruiner la santé ?

Cette réalité se voit déjà dans l’aviation civile. Le chef de la DG Connect note ainsi que de nombreuses phases du vol sont gérées automatiquement, les pilotes ne se chargeant que de superviser le bon comportement de l’appareil. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer le nombre d’erreurs d’origine humaine dans les accidents d’avion et les catastrophes causés par une défaillance du système de bord. Au nom de la sécurité routière, c’est exactement cette trajectoire que l’automobile va suivre.

Et les emplois ?

Mais cette sécurité accrue et ce confort supplémentaire obtenus grâce à ces nouvelles technologies se répandront-elles en sacrifiant l’emploi des humains ? « C’est possible que de nombreux jobs soient remplacés par des robots », convient Roberto Viola. Mais il met en garde : « les chiffres [notamment ceux qui anticipent les destructions d’emploi, ndlr] sont souvent utilisés pour présenter une facette de la réalité ou une autre ; mais la réalité est beaucoup plus complexe ».

Plutôt que d’opposer les premiers aux seconds, Roberto Viola pense que les robots, plutôt que de « prendre » la place des humains, pourraient tout à fait combler les postes vacants. Le chef de la DG Connect relève que millions d’emplois en Europe ne sont pas pourvus, pour des tas de raisons : si les Européens ne sont pas en mesure de les prendre, peut-être pourront-ils être confiés à des machines sans que cela ne cause du tort aux candidats faits de chair et de sang.

Je suis certain que les petits enfants des chauffeurs routiers seront des ingénieurs ou des experts en IA

Quant aux nouvelles générations, Robert Viola se veut très positif : « je suis certain que les petits enfants des chauffeurs routiers seront des ingénieurs ou des experts en IA ». En clair, c’est pour les employés actuels que le passage est délicat puisque ce sont eux qui voient la montée en puissance de l’automatisation dans leur secteur et dont la reconversion ne sera pas une partie de plaisir. Les futurs salariés, eux, baigneront déjà dans un monde du travail radicalement transformé.

Reste qu’il faut « comprendre tous les scénarios » et « être sûr de la direction à suivre », « sans forcer les solutions », en privilégiant le dialogue social et en travaillant de concert avec l’ensemble des États membres, admet Roberto Viola, car l’automatisation pose la question de l’avenir des cotisations sociales. « Il est donc indispensable d’engager une nouvelle discussion sur le pilier social avec les partenaires sociaux pour lancer un grand débat. Nous en sommes en quelque sorte au point de départ ».

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