Tim Berners-Lee, considéré comme le père du Web, s’est livré dans une interview au Guardian le 28 septembre 2025. S’il a choisi de rendre le Web gratuit afin que celui-ci soit accessible à tous, il exprime aujourd’hui certains regrets.

Nous avons tous des regrets. C’est aussi le cas du créateur du World Wide Web, Tim Berners-Lee. 35 ans après la mise en ligne du tout premier site Web créé à partir des standards HTML (qu’il a lui même inventés), il regrette la tournure que celui-ci a pris.

Dans une interview au Guardian publiée le 28 septembre 2025, le père du Web rappelle son choix de l’époque, qui était de rendre le code source libre, sans frais ni contrôle propriétaire, pour favoriser son adoption universelle. « Pour que le web soit accessible à tous, il fallait que chacun puisse l’utiliser et le veuille. C’était déjà beaucoup demander », explique-t-il au journal britannique. Son but : libérer la créativité et la collaboration à l’échelle mondiale. Problème, le web a pris une tournure à laquelle il ne s’attendait pas.

Un espace libre et universel : Internet a été offert gratuitement

À l’aube des années 1990, Internet restait un réseau principalement utilisé par la communauté scientifique et militaire. Tim Berners-Lee, ingénieur britannique au CERN (le Conseil européen pour la recherche nucléaire), imagine alors un système simple permettant de relier des documents grâce à des hyperliens. Il jette ainsi les bases du World Wide Web, en définissant les standards HTTP, HTML et URL.

Plutôt que de les protéger ou d’imposer des redevances, il prend une décision radicale : les mettre à disposition gratuitement, pour que chacun puisse bâtir dessus. Le pari est clair : si le Web doit vraiment devenir universel, il ne peut pas être un produit privé. « On ne peut pas proposer qu’un espace soit universel et en garder le contrôle », soutenait-il.

C’est ainsi qu’en 1993, il a convaincu ses responsables de faire don de la propriété intellectuelle du web. Ils ont ainsi offert le web à tous.

La proposition de Tim Berners-Lee qui a introduit le World Wide Web. // Source : CERN
La proposition de Tim Berners-Lee qui a introduit le World Wide Web. // Source : CERN

« Le Web n’est plus totalement libre »

Cette vision a porté ses fruits : en quelques années, le World Wide Web a transformé nos vies, de la recherche académique au commerce en ligne, des blogs aux réseaux sociaux. Mais alors pourquoi a-t-il tant de regrets ? Face au web d’aujourd’hui, Tim Berners-Lee s’est demandé si celui était toujours gratuit. Sa réponse : « Non, pas entièrement. ». Car si les utilisateurs n’ont pas à payer pour consulter des pages ou publier du contenu, ils paient autrement : en cédant leurs données personnelles.

« Nous voyons une poignée de grandes plateformes collecter les données privées des utilisateurs pour les partager avec des intermédiaires commerciaux, voire des gouvernements répressifs ». L’utilisateur, initialement imaginé comme explorateur et créateur, est devenu un produit. On échange l’accès gratuit contre une exploitation des traces numériques – même anonymisées – qui finit entre les mains d’acteurs qu’on n’a pas choisis. Tandis qu’eux peuvent nous cibler avec de la publicité.

Tim Berners-Lee critique aussi la construction des algorithmes « omniprésents », qu’il estime « conçus pour créer une dépendance et nuire à la santé mentale de nos adolescents ». Il l’admet : entre sa vision initiale du Web 1.0 et l’essor des réseaux sociaux dans le cadre du Web 2.0, ils ont « fait fausse route ».

Capture d'écran de la page recréée du premier site Web  // Source : CERN
Capture d’écran de la page recréée du premier site Web

Solid, Charlie, et les pistes de réparation

Plutôt que de simplement dénoncer, Tim Berners-Lee propose aussi des pistes concrètes.

  • Le projet Solid, développé avec son équipe au MIT, est un standard open-source pour remettre l’utilisateur au centre : les apps doivent demander l’accès aux données, l’utilisateur contrôle ce qu’il accepte.
  • Il propose l’idée de regrouper les données de façon plus responsable : au lieu que chaque silo (YouTube, Facebook, carte bancaire, wearable, etc.) stocke tout à sa manière, il souhaite que les données soient mieux organisées et que l’utilisateur soit propriétaire de son « profil ».
  • Il alerte sur le danger d’une gouvernance de l’IA capturée par les grandes entreprises si les règles ne sont pas posées maintenant. Il évoque une expérience qu’il a appelé Charlie : une IA « au service de l’utilisateur », soumise à la loi et à la régulation.

Pour Tim Berners-Lee, la mise en place d’une véritable régulation et gouvernance mondiale est « techniquement possible », mais dépend de la « volonté politique ». Il estime que si les gouvernements et les institutions s’en donnent les moyens, le Web peut retrouver sa vocation initiale : un espace de création, d’échange et d’entraide qui dépasse les frontières culturelles. Le créateur du Web croit au fait que nous pouvons « redonner du pouvoir aux individus » et « reconquérir le Web ». Il n’est pas trop tard.

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