Lors d’un congrès organisé début octobre, le juge français Nicolas Guillou, en poste à la Cour Pénale Internationale (CPI), a fait part à ses collègues des difficultés quotidiennes qu’il rencontre depuis les sanctions imposées par les États-Unis à l’institution. Des contraintes qui dépassent largement le cadre professionnel.

Le 10 octobre 2025, le message du juge Nicolas Guillou adressé à ses collègues magistrats était clair : il faut « tenir ».

Tenir, pour que ceux qu’il décrit comme le « dernier rempart de l’État de droit » continuent de défendre leurs principes d’« indépendance, d’impartialité, de collégialité et de rigueur juridique ».

Les magistrats réunis lors du congrès annuel de l’Union syndicale ont ainsi pu entendre le témoignage du juge français, visé depuis le 21 août 2025 par des sanctions américaines aux côtés d’une juge canadienne et de deux procureurs adjoints.

La raison de ces sanctions administratives ? Leur implication dans le dossier du mandat d’arrêt visant le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou.

​La Cour pénale internationale (CPI) mène des enquêtes et, le cas échéant, juge les personnes accusées des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale : génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime d’agression. // Source : CPI
​La CPI, basée à La Haye au Pays-Bas « mène des enquêtes et, le cas échéant, juge les personnes accusées des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale : génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime d’agression. » // Source : site CPI

Airbnb, Amazon, Paypal mais également Visa et MasterCard

Le magistrat, chargé de travailler sur la « Situation dans l’État de Palestine » entre le 22 avril et le 25 octobre 2024, a vu les sanctions américaines avoir un impact concret sur sa vie personnelle. Conséquence des restrictions imposées aux entreprises américaines à la suite de cette décision :

« Ces sanctions, (…) interdisent à toute personne physique ou morale américaine, y compris leurs filiales à l’étranger, de fournir des services à une personne visée par ces mesures, que ce soit à titre onéreux ou gratuit », explique Nicolas Guillou.

Concrètement, le magistrat a vu tous ses comptes auprès d’entreprises américaines, comme Airbnb, Amazon ou PayPal, être fermés.

Mais ce n’est pas tout. Les sanctions se sont également étendues à des entités qui ne sont pourtant pas américaines. Certaines banques ont ainsi clos des comptes, y compris dans la zone euro.

« Les paiements sont la plupart du temps bloqués », la quasi-totalité des cartes délivrées par les établissements bancaires européens étant en effet émises par « soit Visa, soit Mastercard, qui sont des entreprises américaines », précise-t-il.

Un cas « révélateur du déficit de souveraineté de l’Europe »

Une situation d’autant plus difficile à gérer pour le magistrat français, qui ne peut pas compter sur le soutien de ses proches au quotidien :
« Si vous avez une personne de votre famille, que ce soit conjoint ou enfant, qui a la nationalité américaine, ce qui est mon cas personnel », celles-ci « sont passibles de poursuites pénales et encourent 20 ans de prison aux États-Unis » si elles « fournissent un service à une personne sous sanction », explique Nicolas Guillou.

Pour le magistrat, sa situation est révélatrice « du déficit de souveraineté de l’Europe ».

Le juge français appelle à développer des outils législatifs permettant de « limiter l’extraterritorialité des sanctions étrangères » et ainsi d’empêcher « les acteurs économiques d’amplifier les pressions exercées par certains États sur la justice ».

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+
Toute l'actu tech en un clien d'oeil

Toute l'actu tech en un clin d'œil

Ajoutez Numerama à votre écran d'accueil et restez connectés au futur !


Pour ne rien manquer de l’actualité, suivez Numerama sur Google !