Il aura suffi de l’ordre d’un seul juge de province pour que tout le Brésil soit coupé de WhatsApp pendant 72 heures. En cause : le chiffrement qui empêcherait WhatsApp de coopérer à une enquête judiciaire.

Y aura-t-il WhatsApp à Rio pendant les Jeux Olympiques, ou un juge pourra-t-il l’interdire subitement ? Près de deux mois après avoir placé en détention le vice-président de Facebook pour l’Amérique latine, finalement remis en liberté le lendemain, le juge de la cour pénale de Lizard, dans l’état de Sergipe, a décidé lundi d’ordonner le blocage de WhatsApp au Brésil. Il s’agit toujours de la même affaire — et du même juge, dans laquelle la justice reproche à la filiale de Facebook de ne pas fournir des informations utiles à une enquête relative à un trafic de drogue.

Pour s’assurer que son ordre serait appliqué, le magistrat a assorti l’ordonnance d’une astreinte de 500 000 reals brésiliens (environ 125 000 euros) d’amende par jour en cas d’inapplication. Son ordre daté du 26 avril a été transmis lundi à la mi-journée aux cinq principaux fournisseurs d’accès à internet (TIM , Salut , Vivo , Claro et Nextel) du pays, qui devront la mettre en œuvre pendant 72 heures. Selon nos constatations, une tentative de connexion à Whatsapp.com depuis le Brésil aboutissant lundi soir à une connexion en time-out.

WhatsApp

Avec environ 100 millions d’utilisateurs, soit environ un Brésilien sur deux, WhatsApp est l’application de messagerie instantanée la plus populaire au Brésil. Ce n’est toutefois pas la première fois qu’elle est ainsi bloquée et en décembre 2015, le blocage de WhatsApp ordonné pour des raisons obscures de concurrence déloyale contre les opérateurs mobiles avait provoqué une envolée de la popularité de Telegram, qui avait gagné plus de 1,5 million d’utilisateurs en quelques heures. Le blocage avait finalement été levé le lendemain.

Un blocage de WhatsApp en forme de punition anti-chiffrement ?

Lors de l’arrestation du vice-président de Facebook pour l’Amérique latine, Diego Jorge Dzodan, le tribunal avait expliqué qu’il reprochait à WhatsApp de ne pas fournir des « informations » permettant d’identifier des utilisateurs de la messagerie, soupçonnés d’être impliqués dans une affaire de stupéfiants. À l’époque, le Huffington Post avait affirmé que la demande portait non pas seulement sur des noms d’utilisateurs, mais sur le contenu-même des communications. Or WhatsApp ne dispose pas de telles informations, puisque sa messagerie est en grande partie chiffrée (et même chiffrée en totalité depuis avril 2016).

« Nous avons coopéré dans toute la mesure de nos capacités dans cette affaire, et tout en respectant le travail important des autorités judiciaires », avait déclaré un porte-parole de Facebook.

Dans ces conditions la décision du juge Marcel Maia Montalban apparaît comme une punition contre le chiffrement, davantage qu’une mesure conservatoire propre à aider son enquête. The Intercept pointe ainsi un double discours au Brésil, entre d’un côté les réactives vives aux révélations d’Edward Snowden, ou l’adoption du Marco Civil très progressiste, et une montée des tentatives de contrôle des moyens de communication de la population, dans un contexte politique très tendu dans le pays.

Selon El Globo, la décision a été prise en vertu d’une loi brésilienne qui dit que toute entreprise qui fournit des applications de communication au Brésil doit se conforme à la législation du pays, notamment en matière de conservation des données, et de « confidentialité » des communications.


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