Les marchands en ligne pourront désormais vendre des livres sur Internet sans faire payer les frais de port à leurs clients, en toute légalité. Mettant fin à la jurisprudence des cours d’appel, la Cour de cassation a jugé que le fait de ne pas faire payer de frais de port lors de l’achat de livres en ligne n’était pas une violation de la loi Lang de 1981 qui impose un prix fixe et interdit les remises et promotions sur les livres. Le Syndicat des Libraires Français maintient cependant la procédure en cours contre Amazon.

Alapage a gagné le droit de ne pas facturer de frais de port à ses clients lorsqu’ils achètent des livres en ligne. Dans une affaire similaire où Amazon avait été condamné, nous n’avions pas hésité à qualifier la décision d’absurde et de stupide. Le marchand Alapage, qui était poursuivi par le Syndicat de la Librairie Française (SLF), nous apprend que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que le port gratuit d’un livre offert par un libraire en ligne à l’internaute ne constitue pas une infraction à la loi Lang du 10 août 1981. Cette loi, qui fixe le principe du prix unique du livre, interdit aux revendeurs d’accorder des remises ou d’effectuer des promotions sur les livres.

La Cour de cassation, dont l’arrêt fera jurisprudence et met ainsi un terme à des années de litige, a logiquement arrêté dans une décision de principe que la prise en charge par le vendeur du coût afférent à l’exécution de son obligation de délivrance du produit ne constitue pas une prime. La haute juridiction casse ainsi l’arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait au contraire estimé que l’annonce de la livraison gratuite du livre constituait une incitation à l’achat, caractéristique d’une prime.

« La loi Lang a pour vocation d’exiger du distributeur du livre, sédentaire ou virtuel, la pratique d’un prix unique du livre« , rappelle Alapage dans un communiqué. « Elle tendait à assurer la diversité des réseaux de distribution et à protéger les libraires face à la grande distribution. Elle ne saurait être entendue aujourd’hui comme excluant toute possibilité de concurrence entre les différents distributeurs dès lors que ceux-ci respectent le prix unique du livre« .

Il n’y avait en effet aucune différence entre l’e-marchand qui ne répercute pas les frais de port sur le prix de vente du livre avec les libraires de rue qui ne répercutent pas le prix de leur loyer ou du chauffage.

Vers une modification de la loi ?

Dans une volonté d’apaisement avec le SLF, Alapage indique toutefois qu’il « réaffirme son souhait que soient recherchés, par voie consensuelle, de nouveaux équilibres dans le secteur de la distribution du livre« .

Contacté par Numerama, le directeur général du SLF Guillaume Husson reconnaît qu’il s’agit là d’une mauvaise nouvelle qui va contre trois jugements précédents en faveur du Syndicat. Mais pas question pour autant de suspendre les autres actions en cours, notamment contre le géant Amazon. « Nous restons absolument convaincus que cette pratique est une infraction de la loi Lang de 1981« , affirme M. Husson, selon qui le véritable danger avec ce jugement est de favoriser un tout petit nombre d’acteurs qui ont la capacité financière suffisante pour offrir les frais de port, au détriment des plus petits acteurs qui en sont incapables. Même si les chances de voir la Cour d’appel aller contre la Cour de cassation sont infinitésimales, « nous voulons tout faire pour éviter le monopole de deux ou trois acteurs sur Internet, et maintenir la liberté de choix entre les libraires« , explique le directeur du syndicat des libraires.

« Si à l’issue des procédures il s’avérait que la loi n’est pas suffisamment claire, il faudra modifier la loi Lang pour clarifier l’interdiction de pratiquer la gratuité des frais de port sur les livres« , demande Guillaume Husson.

L’affaire n’est donc peut-être pas terminée.


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