Présidente du MEDEF, Laurence Parisot a estimé qu’Internet devenait « la poubelle de l’Histoire ». L’IFOP, dont elle est vice-présidente, se sert pourtant beaucoup d’Internet pour réaliser ses études d’opinion.

Laurence Parisot, la présidente du MEDEF et vice-présidente de l’IFOP, était mercredi l’invitée de Jean-Michel Aphatie sur RTL. Un passage de son interview a retenu l’attention de Daniel Schneidermann, le fondateur d’Arrêt sur Images. C’était au moment où celle qui négocie au nom du patronat la réforme des retraites avec le gouvernement était interrogée sur les multiples rebondissements de l’affaire Woerth :

Elle trouve que « l’on » fait preuve d’inhumanité, à son égard. Oui, d’inhumanité. Il faudrait laisser la Justice travailler, etc. « Qui fait preuve d’inhumanité ? » interroge Aphatie. Instant de flottement. Mettre en cause L’Express, auteur du scoop du jour ? Ce serait une lourde erreur. Des fois que Barbier commande un jour un sondage à l’IFOP ! Et soudain l’inspiration divine effleure la patronne du MEDEF : Internet. C’est Internet qui fait preuve d’inhumanité (entre autres défauts, Internet ne commande pas de sondages). D’ailleurs, « comme le dit le philosophe Alain Finkielkraut, Internet est la poubelle de l’Histoire« , avance Parisot, recyclant une vieille citation.

C’est ici, après 7 minutes 30. Pour être plus précis, Parisot cite Finkielkraut en disant qu’Internet est « en train de devenir » la poubelle de l’Histoire, ce qui est légèrement moins radical, même si ça ne change pas grand chose sur le fond.

Nous n’avons pas trouvé trace de ces propos (mise à jour : les voici), que le philosophe a pu effectivement commettre. Finkiekraut s’est déjà ridiculisé par son incompétence voire ses mensonges sur le sujet, et son passage mémorable dans une émission d’Arrêt sur Images (sur abonnement) démontre au moins une paternité idéologique avec les propos cités par la patronne du MEDEF.

Celui qui à notre connaissance a explicitement parlé d’Internet comme d’une « poubelle », ça n’est pas un philosophe, mais un présentateur TV : Michel Denisot. C’est un autre philosophe, Bernard Henri-Lévy, qui lui avait porté avec talent la contradiction, en expliquant pourquoi selon son expérience Internet était beaucoup moins odorant d’ordures que la presse traditionnelle. « Sur Internet quand il y a une bêtise, on peut rectifier tout de suite« , rappelait-il.

Mais il est surtout particulièrement cocasse de la part de la vice-présidente de l’IFOP d’affirmer qu’Internet devient la poubelle de l’Histoire. L’institut organise en effet des sondages en ligne, dont il défend la légitimité auprès de ses clients, et affiche fièrement « plus de 400 études par an » réalisées par Internet. « C’est devenu un moyen d’échanger différemment avec le citoyen-consommateur, de s’immerger dans son quotidien, d’établir avec lui un rapport plus collaboratif qui donne un nouveau sens et des nouveaux débouchés aux études« , explique l’institut.

A croire qu’à l’IFOP, on aime se plonger dans les poubelles.

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