Le patron de la Fnac et nouveau meilleur ami des industries culturelles était l’invité ce lundi d’un chat avec les internaute sur le site du Monde. Certainement à cause de l’affluence (quoi d’autre ?), une seule question que nous avons posée à Denis Olivennes a passé le filtre de la modération. Et la réponse, cependant, ne nous a pas déçu dans son lot de mauvaise foi… voire de mensonges douteux

Notre question : Dans les années 1930, les maisons de disques aux USA voulaient interdire la diffusion de chansons à la radio. Finalement, les radios les ont rachetées. Est-ce que ça n’est pas le risque que courent à nouveau les maisons de disques si elles brident de trop les internautes ?

Denis Olivennes : J’en reviens au point essentiel; le problème n’est pas que l’accès à la musique soit gratuit pour le consommateur. Mais les radios paient les auteurs. Si un disque passe à la radio, le chanteur est rémunéré, l’auteur-compositeur, le producteur sont rémunérés. Dans le cas du piratage sur Internet, non seulement le consommateur l’a eu gratuitement, mais ni le producteur ni l’artiste ne sont rémunérés. C’est ça, le problème.

Si le FAI est considéré comme diffuseur, une taxe pourrait s’installer à ce niveau-là, la licence globale. Si l’on veut compenser la perte de revenus des industries musicales, il faudra que cette taxe soit relativement élevée, et du coup les FAI n’y sont pas favorables.

D’autre part, les artistes n’y sont pas favorables non plus. Pourquoi ? Parce que la radio ne représente que 10 %, en gros, de leurs revenus. Donc qu’il y ait une certaine injustice dans la répartition des revenus de la radio ne leur pas de problème majeur. En plus, c’est facile d’identifier à la radio quels sont les artistes programmés. Mais sur Internet, ce sont des milliards d’échanges. Comment va-t-on savoir si l’on a échangé du Radiohead ou du Julio Iglesias ? Et là, il ne s’agira pas de 10 % des revenus, mais de 60 ou 70 % des revenus.

Voilà pourquoi cette idée de la licence globale, qui théoriquement n’est pas absurde, a été pratiquement repoussée.

Le mensonge : « Les artistes n’y sont pas favorables [à la licence globale] non plus« . Les artistes-interprètes étaient au contraire les principaux membres de la filière musicale favorables à la licence globale. Leurs deux sociétés de gestion, ADAMI et Spedidam, étaient les principaux fondateurs de l’Alliance Publique-Artiste créée pour soutenir l’idée d’une licence globale. Hasard ou coïncidence, les artistes-interprètes ne sont pas signataires de l’accord intervenu vendredi. Ce qui n’empêche pas ni le gouvernement ni Denis Olivennes de prétendre que l’accord a été signé par « le monde de la musique » dans son ensemble. En réalité, seule la Sacem était signataire de l’accord, mais elle représente les auteurs-compositeurs et les éditeurs de musique, qui se trouvent être les maisons de disques.

La mauvaise foi : selon Denis Olivennes, « si l’on veut compenser la perte de revenus des industries musicales il faudra que cette taxe soit relativement élevée« . Tout d’abord, il ne s’agissait pas de compenser des pertes de l’industrie, mais d’assurer un niveau de revenus équivalent aux créateurs. La nuance est d’importance. Or d’après les estimations effectuées à l’époque du projet de licence globale, son montant aurait été d’environ 5 euros par mois pour rémunérer au même niveau les ayants droit. Le forfait de la FNAC pour l’écoute illimitée de musique est proposé à 9,99 euros par mois. En réalité, aucune étude digne de ce nom n’a jamais été commandée pour valider la licence globale, ni dans son application technique, ni dans son réalisme économique.

La mauvaise foi (bis) : D. Olivennes prétend que les artistes touchent 10 % de leurs revenus environ par la radio, et toucheraient environ 60 à 70 % de revenus par la diffusion Internet si une licence globale était accordée. Admettons que le premier chiffre soit réel, il supposerait que 50 à 60 % des revenus soient issus de tout ce que permet internet et qui n’est pas possible par la radio. Il s’agit uniquement de l’achat de musique. Denis Olivennes dit-il sérieusement que les artistes touchent la moitié de leur revenu de la vente de disques, alors qu’à la Fnac 95 % des CD vendus rapportent aux artistes moins de 50 centimes par jour ?

La mauvaise foi (bis repetitae) : « C’est facile d’identifier à la radio quels sont les artistes programmés. Mais sur Internet, ce sont des milliards d’échanges. Comment va-t-on savoir si l’on a échangé du Radiohead ou du Julio Iglesias ?« , demande Denis Olivennes. Bonne question. Comment va-t-on faire alors pour repérer les échanges des œuvres sur les réseaux P2P pour mettre en œuvre les solutions préconisées par l’accord signé vendredi ? S’il y a des milliards d’échanges, et que l’accord ne cherche qu’à en sonder qu’une petite partie, alors ce sera une gigantesque lotterie internationale où seuls les Français peuvent gagner. Et les chances qu’un Français soit pris une fois, deux fois, trois fois en flagrant délit de téléchargement sont extrêmement (extrêmement !) faibles.

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