La santé connectée n’est pas qu’une affaire de bien être ou de suivi de l’activité physique. Des entreprises cherchent en 2019 à occuper un secteur qui, s’il subit les bonnes modifications, pourra changer la pratique de la médecine. Dans les faits, les promesses des entreprises de la health tech sont souvent les mêmes : permettre de faire de relevés médicaux à domicile pour suivre ou détecter une pathologie, sans avoir à faire perdre du temps à un médecin ou un service d’urgence ou à gêner des personnes dont la mobilité serait justement réduite.
Dans le meilleur des mondes, la santé connectée désengorge les urgences, fait moins sonner le téléphone des praticiens et permet d’avoir un suivi objectif, précis et détaillé des malades à distance. Mal exécutée en revanche, elle peut donner lieu à la situation inverse : des clients paniqués, des faux relevés mal interprétés et des mesures qui ne correspondent pas aux attentes des médecins. Dans ces deux mondes qui s’opposent, où se situe le BPM Core, dernier objet connecté vendu par Withings et proposant tout à la fois un tensiomètre, un électrocardiographe et un stéthoscope électronique ? Verdict après une dizaine de jours de test.
L’exécution parfaite
D’emblée, on peut reconnaître que Withings a bien fait les choses. Le BPM Core, conçu avec des cardiologues et certifié dispositif médical, est un objet qui ne laisse pas beaucoup de place à l’erreur d’utilisation — ce qui est la clef d’un bon relevé et l’une des critiques fréquentes adressée à l’auto-diagnostic. Comme les tensiomètres que l’on utilise chez le médecin, il s’enroule autour du bras gauche dans un sens unique (pointe en métal vers le bas). Le design sert ici une fonction : si vous mettez la pointe vers le haut, vous ne pouvez ni appuyer sur le bouton pour lancer la mesure, ni procéder confortablement à l’ECG.
En plus, l’application est un modèle du genre quand il s’agit de prendre en main un utilisateur. La première utilisation est accompagnée par plusieurs écrans qui déclenchent les fonctions du BPM Core en les expliquant, les unes après les autres. C’est pendant cette configuration initiale que l’utilisateur va créer son compte et son profil, renseignant des données médicales (poids, taille, âge…). Après cette configuration, vous pourrez utiliser le BPM Core sans smartphone et consulter uniquement vos relevés quand bon vous semble. Le relevé complet prend environ 2 minutes 30 secondes et la batterie est étonnamment bonne : en 10 jours avec plusieurs tests par jour, le BPM ne nous a toujours pas demandé de le recharger.
Sur votre smartphone, vous pouvez consulter les résultats et Withings apporte des informations très claires sur la méthodologie, les mesures et leur interprétation. Les écrans sont très pédagogiques et permettent de comprendre sans ambiguïté ce qui se passe dans notre corps. Le suivi n’est d’ailleurs pas entré uniquement sous forme de données : l’ECG par exemple propose une vidéo du tracé, ce qui permet à un médecin de voir exactement ce qui s’est passé pendant le relevé. Des options de partage permettent enfin d’envoyer un mail à un professionnel de santé contenant un bilan au format test, mais aussi des feuilles de calcul au format .csv et Excel.
Seul point en retrait sur ces mesures : le stéthoscope électronique. L’objet, censé détecter les valvulopathies, n’a jamais réussi à faire un diagnostic sûr, même après le nombre de relevés minimum atteint. Bon point : il n’a pas prétendu avoir pu le faire et a simplement indiqué que les informations dont il disposait n’étaient pas concluantes. Honnête, pour une machine.
Tout cela étant dit, et au vu des garanties médicales apportées par Withings, on ne saurait que trop conseiller une personne qui a besoin d’un suivi de s’orienter vers cette solution complète et efficace, qu’elle pourrait même proposer à son médecin en complément de visites médicales.
Le mauvais relevé
En revanche, nous nous posons clairement la question de la nécessité d’un tel dispositif pour une personne qui n’a pas de problème de tension connu ni de problème au cœur — et si elle a des doutes, mieux vaut prendre un rendez-vous médical avant d’investir 249 € dans un objet connecté qui viendra au mieux en complément. Cette interrogation se pose parce que le BPM Core s’est trompé au moins une fois. Le samedi 3 août, l’application a sorti son plus beau rouge pour nous signaler une anomalie.
Tout de suite, c’est la panique : je vais bien et d’un coup, je ne vais plus. L’ECG a repéré des signes de fibrillation auriculaire et m’invite à me rapprocher de mon médecin. Ce côté paniquant est précisément ce que la médecine connectée devrait éviter. Mais nous avons quand même demandé l’avis d’un médecin, le docteur Jean-Patrick Maillard, en lui communicant le relevé : « La seule anomalie évidente c’est une extrasystole ventriculaire. C’est banal et ça n’inquiète en rien. C’est ce que le langage courant décrit quand il dit « j’ai raté un battement de cœur ». Soit, s’il y a quelque chose, ce n’est donc visiblement pas quelque chose de grave.
Mais le BPM Core aurait-il pu mal interpréter autre chose ? « Ensuite, on voit une partie où il manque l’onde P. Une fibrillation, c’est une ondulation de la ligne de base et une irrégularité du rythme, pas juste l’absence de l’onde. Il se peut que l’algorithme ait un peu trop lissé, et que l’onde ait été peu ample… elle s’est fait effacer. On voit sur le tracé que l’onde n’est pas très ample. C’est une anomalie technique, pas physiologique. Et enfin tu as un passage où la ligne de base semble onduler, mais l’aspect est clairement celui d’un artéfact (on voit l’onde P normale juste après, elle a un aspect différent de cette ondulation, et normal). Il y a quelque chose qui perturbe l’enregistrement ; typiquement ça peut être un mouvement. » Bingo, docteur : j’ai bougé deux fois ma jambe rapidement pour éviter mon lapin pendant ce relevé, détail que je n’avais pas cru bon de noter. Les nombreux relevés suivants n’ont donné aucun signe de cette fibrillation.
C’est tout le souci de cette health tech un poil trop sûre d’elle. Jamais l’application n’a suggéré que le relevé pouvait être mauvais et qu’il serait bon de le refaire. Elle m’a tout de suite invité à faire perdre du temps à un médecin, qui en a déjà peu. Si l’on multiplie cela par le nombre potentiels d’utilisateurs de ces objets, les standards déjà saturés risquent d’exploser. Sans parler du fait que nous sommes sur un objet médical haut de gamme — nous n’osons même pas imaginer quels résultats peut donner un tensiomètre entrée de gamme vendu en supermarché.
Dès lors, notre avis est mitigé : si un tel appareil facilite votre vie quotidienne, vous épargne des visites médicales inutiles et est une aide pour votre médecin, alors le BPM Core sera votre compagnon idéal. En revanche, si vous êtes en bonne santé ou que vous n’avez aucun problème lié aux compétences du BPM Core, vous n’avez pas vraiment de raison d’en acheter un, qu’importent les injonctions de Withings qui vante un meilleur dépistage sur son site. Si vous avez le moindre doute, rien ne vaudra une première consultation, au moins pour faire un point… et peut-être acheter ensuite un BPM Core pour suivre l’évolution d’une pathologie.
Le verdict
Withings BPM Core
Dans le secteur de la health tech, on ne peut pas faire meilleur produit que le BPM Core de Withings. Mais, comme tous les produits de ce type, il pose la question de son utilité pour un suivi passif et un brin paranoïaque d'une personne a priori saine.
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