Peut-on réclamer au tribunal le titre de propriété d’un terrain virtuel qui n’existe que dans l’imagination de milliers de joueurs et sur les serveurs d’un jeu vidéo ? C’est la question posée à la Justice américaine dans un procès qui oppose un entrepreneur virtuel à l’éditeur de Second Life.

Parlez de Second Life à la France qui se lève tôt, et elle vous prendra pour un fou. Déjà qu’on a du mal à payer son loyer dans la vraie vie, comment comprendre que le monde entier (de l’hémisphère nord) se passionne pour un jeu totalement virtuel dans lequel des joueurs achètent de faux habits avec de vrais dollars et font œuvre de spéculation en achetant des terrains immatériels pour les revendre à prix d’or ? Même pour les passionnés de nouvelles technologies et des réseaux sociaux que nous sommes, il y a dans Second Life une grande part d’absurdité que l’on a du mal à comprendre.

En fait, Second Life mélange beaucoup d’intentions et de populations. Il y a ceux qui trouvent simplement dans SL la maison de poupées high-tech, une sorte de Sims à la première personne où chaque joueur montre sa poupée et sa nouvelle robe. Et puis à l’autre extrêmité se trouvent des « joueurs » totalement sérieux, qui voient dans Second Life une véritable opportunité de business pour faire des profits en monnaie sonnante et trébuchante. Ceux-là profitent du système de Second Life qui crée une rareté virtuelle des terrains pour acheter des zones constructibles et les revendre ensuite lorsque le terrain aura suffisamment de passage pour qu’il intéresse des publicitaires ou des marchands virtuels. Marc Bragg est de ceux là.

L’avocat fraudeur porte plainte pour une propriété virtuelle

L’avocat de Pennsylvannie a acheté des terrains sur Second Life, mais porte maintenanant plainte contre l’éditeur Linden, qui l’a exproprié selon lui abusivement après la transaction. Il réclame à l’éditeur 8.000 $ de dommages et intérêts, considérant qu’il avait obtenu la propriété du terrain virtuel en l’achetant et que personne n’avait le droit de lui retirer, pas même le créateur du jeu. Pour lui, c’est une question de principe qui dépasse le cadre strict de Second Life, et qui pourrait avoir des répercussions sur tous les jeux massivement multijoueurs (MMORPG). « Les problèmes qui sont au coeur de la plainte sont importants pour beaucoup de gens qui participent à Second Life, ainsi que pour les MMORPG en général, et ils ne devraient pas être abandonnés simplement parce que les Défendeurs ont réussi à tirer jusqu’au bout sur les ressources financières d’un seul homme« , explique Bragg sur son site. Il demande l’appui financier de la communauté pour battre Linden Lab.

Mais l’affaire pourrait être moins passionnante pour les juristes qu’une réelle affaire de droit foncier virtuel. Car si Bragg a bien acheté du terrain, c’est uniquement au moyen d’une fraude qui a justifié son expropriation par l’éditeur de Second Life. Sur SL, tous les terrains sont mis aux enchères pendant un temps avant d’être vendus au plus offrant. Or Bragg a profité d’une faille dans le système en modifiant l’URL de la vente aux enchères pour entrer l’ID d’un terrain qui n’était pas encore officiellement mis en vente. Il a ainsi pu acheter son terrain à un prix beaucoup plus bas que la normale. C’est sur des motifs de violation contractuelle que Linden Lab lui a ainsi retiré la propriété. Mais cette affaire n’est pas moins une première du genre…

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