Depuis les révélations auprès du Congrès faites par Facebook, quant à l’entreprise russe qui aurait payé 100 000 dollars de publicités dites « clivantes » et ciblant des électeurs américains, la presse américaine tente d’éclairer les méthodes du géant.
À l’adresse du public, le réseau social a seulement publié un billet de blog qui n’apparaît pas comme satisfaisant considérant la gravité du problème. Le flou entretenu quant à la validation et le traitement des achats de publicité inquiète.
Validation « à la chaîne »
Le média américain The Verge s’est entretenu avec différents modérateurs de l’entreprise qui donnent une vision plus précise des processus de Facebook. Chaque jour, ces employés seraient exposés à des centaines, voire des milliers, de demandes qu’ils doivent traiter toujours plus rapidement. Selon trois employés, le stakhanovisme imposé — produit par un management tourné vers les chiffres — conduirait vers une gestion trop expresse des demandes et favoriserait in fine les résultats face à la nécessité de nuance et d’évaluation des publicités. En outre, ces derniers estiment que le système n’a pas été taillé pour résister à des entreprises de propagande politique.
Un employé considère, toujours auprès de The Verge, qu’il n’était — lors de la campagne présidentielle — « pas compliqué de comprendre ce que ces gars [la société russe] étaient en train de faire ». Un discours qui vient contredire les propos publics de l’entreprise qui estime ne pas être en mesure d’arrêter les entreprises de propagande de la sorte.
le système n’a pas été taillé pour résister à la propagande politique
Au-delà de l’affaire russe, les modérateurs insistent sur des conditions de travail mauvaises. Les processus de validation de la publicité seraient ainsi assurés par une équipe américaine faite d’intérimaires et une autre équipe indienne. Selon diverses sources à l’intérieur de l’entreprise, ces équipes seraient marginalisées parmi les employés. Embauchés à travers un tiers, les modérateurs ne rencontrent en outre pas leurs collègues de « classe » supérieure. La plupart des interrogés ont confié être payés à l’heure près de 18 dollars.
Une fois assis à leur poste de travail, à la manière de caissiers de supermarché selon l’analogie du journaliste américain, les employés évaluent et valident des publicités à la chaîne. Selon eux, ils ne disposeraient pas d’outil mesurant la qualité des publicités, seulement le temps passé sur chaque publicité.
Une double réglementation ?
Toujours selon les mêmes témoignages, il n’existerait pas de règles propres à la propagande. Les rejets concerneraient d’abord les images lorsqu’elles représentent des violences, de la nudité et du contenu sexuellement explicite. En outre, les pubs trop longues, trop verbeuses, sont évitées, car souvent considérées comme des escroqueries. Toutefois, aucune réserve n’existerait pour ce qui va toucher de près ou de loin, la politique.
Facebook prétend refuser les campagnes ciblant les affinités politiques de ses utilisateurs, mais les employés interrogés expliquent n’avoir jamais été mis au parfum d’une quelconque règle à ce propos. Un employé précise néanmoins que les drapeaux confédérés, signe révisionniste et suprémaciste, sont généralement refusés ; un collègue nuance néanmoins : seules les publicités outrancières vont vraiment être refusées lorsqu’elles sont liées à de la vente.
Auprès de CNN, la société de Mark Zuckerberg a précisé n’avoir jamais été en lien avec la société russe, ce qui permet d’éloigner la possibilité que ce soit l’équipe commerciale qui se soit occupée du contrat. Ainsi, les pubs politiques sont bien passées dans les mains des modérateurs ou d’un algorithme faisant un travail similaire. Un programme dont les employés ne connaissent pas vraiment les contours et le fonctionnement.
Aujourd’hui, les modérateurs expriment une profonde déception à l’égard de leur employeur précisant tout de même « ne pas être surpris » considérant le problème plus structurel qu’épisodique. Certains vont jusqu’à craindre avoir participé à la déstabilisation politique : « Cela me terrifie de savoir que j’ai pu, d’une manière même minime, avoir une responsabilité dans la diffusion de ces trucs [les publicités russes]. »
Ces témoignages interviennent peu après les révélations de ProPublica, un organisme d’investigation ayant prouvé qu’il était possible — pour une poignée de dollars — de cibler des antisémites à travers des phrases-chocs sur le réseau social.
Du côté du géant américain, le silence est de mise. Contactée par Numerama, mais également par The Verge outre-Atlantique, la firme décline tout commentaire. Elle préfère renvoyer vers l’état actuel de sa politique en matière de publicité décrite plus haut et exhaustivement détaillée dans sa charte en ligne.
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