Imaginez un monde sans véhicule thermique. Moins pollué, moins bruyant, moins destructeur pour la santé… tous ces avantages font rêver et le Niu N1s n’hésitait pas à les associer avec de belles promesses. Malheureusement, la réalité est encore loin de cette belle fiction.

Un beau jour de juillet, Romain Heuillard, rédacteur en chef de FrAndroid est venu me voir, smartphone à la main. Sur l’écran du gadget, on pouvait voir un magnifique scooter blanc électrique, qui avait tout pour faire rêver les amoureux des transports du futur que nous sommes. 80 km d’autonomie, moteur Bosch, batterie Samsung, assemblage en Chine, équivalent à du 50 CC m cube thermique avec une accélération incroyable et un vernis gadget avec application mobile et tout le tralala. Le tout à un prix qui ferait rougir la concurrence : 2 899 € pour du tout électrique.

De loin, l’offre de Niu fait rêver et on voit dans l’entreprise une sorte de DJI du déplacement urbain : le Chinois spécialiste du drone a su marier une R&D puissante, un design recherché et des produits supérieurs à la concurrence, vendus à des prix décents. Niu semble être sur la même voie avec les mêmes arguments. Du moins en façade, car la réalité est bien plus nuancée que le tableau idyllique qu’on apercevait au loin.

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Niu N1s : la promesse du scooter électrique

Pour notre essai, nous avons emprunté deux scooters Niu N1s au revendeur français urgence-scooters, utilisé par l’agence de presse de Niu pour ses essais, qui connaît déjà bien les bestiaux. Après les consignes d’usage données par les spécialistes du scooter et du vélo électrique, nous sommes partis sur les routes parisiennes.

La première chose que l’on ressent en montant sur un Niu N1s, c’est le silence. En effet, comme une Tesla ou un Cityscoot, le véhicule ne fait pas de bruit en accélérant. Tout juste entend-on le bruit des pneus sur la route. Travaillant juste au-dessus d’un boulevard parisien, on rêve alors déjà du jour où le moteur thermique aura disparu et où le calme sera revenu dans nos villes.

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La deuxième impression est liée à l’odorat : si vous avez été coincé sur un scooter derrière des camions dans un trafic parisien bouché, vous savez ce qu’ont enduré vos poumons, les arbres et les bâtiments alentour. Avec un Niu, vous n’émettez rien. L’engin ne chauffe pas (pas trop), ne pollue pas, ne pue pas, bref, encore une fois, sur un produit de ce genre, on vient à rêver que les projets de Nicolas Hulot et Anne Hidalgo dans le cas de Paris ne soient pas plus radicaux pour permettre à nos villes de respirer tant qu’elles le peuvent encore.

En lui-même, le scooter est petit et très mobile et, comme une Tesla, a un centre de gravité très bas grâce à sa batterie qui se trouve sous vos pieds. Cela signifie que vous n’aurez clairement pas une sensation de chute quand vous vous penchez et vous trouverez votre stabilité assez rapidement, même si vous débutez dans la conduite de scooter. Niu a également séparé la vitesse maximale en trois paliers, ce qui signifie que vous pouvez grosso modo bloquer à 18 km/h, 25 km/h et 50 km/h votre scooter. Pratique pour passer des Grands Boulevards tout droit à des zones plus passantes sans avoir à systématiquement freiner.

Passer les « vitesses »

Passer les « vitesses »

Véhicule électrique oblige, l’accélération est effectivement incroyable. Arrêté à un feu, vous serez probablement toujours le premier à vous envoler. Les scooters thermiques sont des baleines à côté qui ont bien du mal à accélérer. Le plus impressionnant, et comme tous les plaisirs sont bons à prendre, c’est de clouer des motards qui roulent sur de grosses cylindrées avec votre micro-scooter qui ne fait aucun bruit. Cela surprendra plus d’un de vos concitoyens à deux roues — qui finira par vous rattraper quelques secondes plus tard, bien évidemment.

Le système de batterie est aussi très intelligent : une fois que vous arrivez chez vous, vous sortez la batterie de son encoche et vous allez la recharger tranquillement sur l’une de vos prises. Le scooter est ainsi immobilisé, cela augmente la sécurité : en plus de casser la protection de la roue avant et de scier l’antivol, il faut aussi ouvrir le coffre, ouvrir la trappe de la batterie à laquelle on accède depuis le coffre et trouver une batterie de rechange pour le démarrer. Bref, si je voulais voler un scooter, les Niu ne seraient pas mes premières cibles… d’autant qu’ils embarquent un GPS relié à l’application de l’utilisateur.

C’est assez clair pour nous : toutes ces bonnes idées et ces intentions du constructeur pavent la voie à un futur électrique pour le scooter mobile à destination des urbains. Et pourtant, impossible de vous recommander de passer à la caisse tout de suite.

La batterie sous les pieds

La batterie sous les pieds

Pénible à conduire, bugué et cheap

Car voilà, comme dans une bonne dissertation, nous avons pris soin d’omettre toutes les déconvenues de la partie concernant nos excellentes surprises. Et il y en a beaucoup. Commençons par la première, qui est la plus problématique à nos yeux : la conduite. Comme nous l’avons dit, le Niu est un scooter qui accélère très vite. Ce qui peut passer pour un point fort est en fait, la plupart du temps, un handicap grave pour le conducteur. La réalité du terrain urbain pour un scooter, c’est surtout des embouteillages pour les plus respectueux du code de la route, et des tentatives de se faufiler à l’avant des files pour ceux qui souhaitent épargner leurs poumons et, parfois, tout simplement se mettre en sécurité.

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Le Niu est mauvais dans les deux exercices : la courbe d’accélération est extrêmement mal calibrée, quel que soit le mode (le pire étant le mode 3 qui est pourtant celui que vous souhaiterez utiliser le plus souvent) et vous aurez l’impression de passer de 0 % à 100 % dès que vous toucherez l’accélérateur guidon. On a le sentiment que le constructeur n’a pas su doser cette accélération sur toute la plage circulaire de l’accélérateur et que vous soyez à 10 % de la course ou à 100 %, vous serez à 100 % de la vitesse. Très, très désagréable.

Le résultat, c’est une conduite par sursauts : vous accélérez très vite et vous freinez très fort. Tout. Le. Temps. Après plusieurs jours de test, on apprend à maîtriser la courbe sur les premiers degrés de l’accélérateur, mais c’est tout de même extrêmement mal configuré et jamais nous n’avons été à l’aise de ce côté-là. On a l’impression d’un vrai raté dans le cahier des charges, comme si le scooter en ville n’avait devant lui que des boulevards vides. Certes, c’est plus agréable quand la densité de véhicules s’amoindrit, mais c’est une exception : notre moyen de transport doit avant tout être pensé pour la règle.

Trappe impossible à refermer

Trappe impossible à refermer

Quant à la vitesse maximale, n’espérez pas atteindre les 50 kilomètres par heure. Sur les deux modèles que nous avons testés, le maximum que nous avons pu atteindre sur du plat et de la pente douce, c’est 44 km/h et après quelques dizaines de mètres. En montée douce, n’imaginez pas dépasser les 40 km/h. Le problème avec cela, c’est que vous serez systématiquement devant tous les véhicules au démarrage et systématiquement rattrapés par une horde de voitures / bus / scooters / motos après quelques mètres, vous mettant dans la position inconfortable de « celui qui est devant et qui est trop lent ». Pas top, ni pour les autres, ni pour votre sécurité.

À ces soucis majeurs s’ajoutent plusieurs soucis mineurs. Le premier, ce sont les finitions de l’engin. Les photos sur le site sont extrêmement avantageuses : en réalité, le scooter ne ressemble pas à grand-chose. Il n’a aucune âme, aucun charme et personne ne se retournera sur votre passage. Plus problématique : sur les deux scooters empruntés, le premier avait un souci d’affichage (le tableau de bord s’éteignait sans crier gare et sans raison), le second avait l’axe du guidon décalé par rapport à la roue et le cache de la prise chargeur qui tombait systématiquement.

Alors oui, c’est le jeu du test, ce ne sont pas des scooters archi-neufs, mais ce sont des modèles récents qui ont été bichonnés par des journalistes ou des personnes venues les essayer (moins de 700 km au compteur). On passera sur les boutons clignotants plutôt désagréables à utiliser : ce n’est qu’un détail par rapport à un souci qui affecte directement la direction ou le tableau de bord. Quand le tableau de bord s’éteint, c’est problématique. Quand les problèmes sont présents aléatoirement sur les deux modèles testés, on se dit que l’engin aurait mérité un peu plus d’attention…

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Le deuxième souci mineur vient du côté logiciel. En effet, l’application est au mieux une blague. Au-delà des polices mal alignées, de la traduction à la va-vite et des onglets fondamentalement inutiles comme les actualités, elle ne sait faire que deux choses : afficher votre scooter sur une carte et vous indiquer le niveau de charge. Et on a bien dit localisation GPS, pas direction. Quand vous retournez sur la carte pour voir où vous avez laissé votre scooter, impossible de générer un itinéraire pour le rejoindre… et la carte ne vous indique même pas votre propre position ! C’est ubuesque quand vous êtes dans des lieux que vous ne connaissez pas : il faut changer d’application pour se repérer sur Google Maps ou Plans et essayer de se localiser au doigt mouillé par rapport au scooter sur l’application Niu.

Vous n’aurez en plus aucune information sur votre vitesse moyenne, aucun trajet enregistré, aucune suggestion de trajet qui permettrait d’économiser votre batterie, pas de guidage GPS interne à l’app… bref, autant vous dire qu’on ne l’a jamais ouverte après la découverte initiale tant l’utilité est inexistante.

Finalement, après avoir retranché tous ces inconvénients à la promesse d’un scooter électrique propre et silencieux coûtant moins de 3 000 €… il ne reste que la promesse. Et on espère très sincèrement que Niu saura corriger les errements de son premier modèle tant cette entreprise a du potentiel… et un boulevard devant elle.

Anecdote : le scooter a fini par afficher un code d'erreur logiciel indiquant une « surcharge » de la batterie et n'a plus voulu démarrer, malgré la patience et l'expertise du SAV

Anecdote : le scooter le moins bugué a fini par afficher un code d’erreur logiciel indiquant une « surcharge » de la batterie et n’a plus voulu démarrer, malgré la patience et l’expertise du SAV

Vous pouvez réserver un essai chez Urgence-Scooters.

Le verdict

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4/10

Scooter Niu N1s

Après cet essai, impossible pour nous de recommander un scooter Niu N1s. L'engin cumule les promesses et est alléchant par bien des aspects, mais les points noirs et autres déconvenues sont trop nombreux pour justifier un achat d'environ 3 000 €. La conduite désagréable au possible est peut-être le pire pour l'utilisateur qui aime conduire, mais le prudent aura noté tous les soucis mécaniques et d'ordre logiciel qui ne rassurent pas. 

Et pourtant, nous aurions autant tort d'enterrer Niu. L'entreprise chinoise en est à son coup d'essai et nous ne pouvons lui reprocher de n'avoir pas réussi à faire un coup de maître. Si les prochaines versions et les prochains modèles de la marque corrigent les défauts majeurs du N1s, l'avenir du scooter électrique semble très prometteur.


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