Peut-on fustiger le P2P, militer activement pour la condamnation d’un internaute usager de ces services, et assurer parallèlement en toute indépendance la vice-présidence de la commission du Conseil supérieur de la propriété intellectuelle, sur la distribution des âoeuvres sur internet ?

Dans sa couverture du procès d’Alexis, le journaliste Florent Latrive rapportait jeudi dans Libération les propos de Josée-Anne Bénazéraf, avocate mandatée par la SACEM :

Josée-Anne Bénazéraf compare le P2P à un « éden de la contrefaçon » et fustige la « culture de la gratuité ». Elle balaie fissa toute alternative aux poursuites pour permettre de légaliser le P2P tout en rémunérant la filière musicale, comme la taxe sur les abonnements à l’Internet proposée par deux sociétés civiles d’artistes-interprètes, l’Adami et la Spedidam : « Ce serait contraire aux engagements internationaux de la France. »

Difficile de sembler moins ouvert au débat sur l’évolution du droit d’auteur et les solutions de conciliation possible entre les intérêts du public et ceux des ayants droit. Pourtant Maître Josée-Anne Bénazéraf a été nommée le 19 novembre 2004 vice-présidente de la commission spécialisée portant sur les aspects juridiques des œuvres sur l’Internet, au sein du Conseil Supérieur de la Propriété Intellectuelle (CSPLA). C’est ce Conseil qui, suite aux réflexions de ses commissions, conçoit les projets de loi en matière de droit d’auteur.

Dans le cadre de sa mission, Maître Bénazéraf est chargée de fournir aux pouvoirs publics des « éléments de réflexion et de proposition sur l’évolution économique et juridique relative [aux] usages [du P2P] et sur les modèles qui les sous-tendent« . Elle doit en plus « étudier attentivement la pertinence et les conditions de faisabilité d’un [régime de licence légale] et sa compatibilité avec nos engagements internationaux« , ce sur quoi elle a visiblement d’ores et déjà un avis tranché, exprimé lors du procès d’Alexis au nom et pour le compte d’une société d’auteurs qui n’a rien d’indépendante dans sa réflexion.

Cette commission doit remettre un premier rapport au Président du Conseil en mars 2005, avant ses propositions fin mai 2005. Quel crédit pourra apporter le Conseil à ces propositions, au vu de cette implication de la vice-présidente aux côtés du combat juridique de la SACEM ? Il aura sans doute à se poser la question bien avant la fin de l’hiver, s’il ne veut pas perdre toute crédibilité.


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