Les amendes s’accumulent, mais les pratiques demeurent. Malgré une amende de 20 millions d’euros et une injonction prononcée en France, la société Clearview conserve ses pratiques sur la reconnaissance faciale et la collecte des visages en ligne. La Cnil vient de prononcer une autre sanction. En vain ?

Les sanctions contre Clearview AI s’empilent. 20 millions d’euros d’amende en Grèce. 20 millions d’euros également en Italie. Près de 9 millions d’euros au Royaume-Uni. Et encore 20 millions d’euros en France, sur décision de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). C’était en octobre dernier.

L’autorité hexagonale vient d’ailleurs d’en remettre une couche, ce mercredi 10 mai, en infligeant une sanction complémentaire.

Cette peine s’élève à 5,2 millions d’euros. Elle est la conséquence de l’absence de mise en conformité de Clearview AI après l’injonction de la Cnil. Dans sa décision initiale, l’autorité avait fixé une astreinte pouvant atteindre jusqu’à 100 000 euros par jour de retard, qui se déclenchait deux mois après la date de son injonction. Mais Clearview AI n’a pas cillé.

Les activités de Clearview AI ont éclaté au grand jour en 2020, avec une enquête démontrant que l’entreprise aspire toutes les photos qu’elle trouve sur le net pour entraîner ses algorithmes de reconnaissance faciale. Sa base de données regroupe, selon la firme, plus de 30 milliards de photos montrant des visages. La société dit avoir un ciblage exact à plus de 99 %.

reconnaissance faciale
Clearview AI a fait l’objet d’une sanction de la Cnil en octobre 2022. // Source : Facebook — image retouchée

La collecte des photos se fait sans aucun consentement préalable. Il s’agit de « scrapping ». En clair, Clearview AI emploie des outils qui automatisent l’aspiration des clichés accessibles publiquement sur le net — les réseaux sociaux, en particulier, surtout s’ils sont mal configurés. En théorie, les sites communautaires ont des règles interdisant le scrapping, mais ces consignes sont ignorées.

Une société basée aux États-Unis

C’était en raison de l’absence de consentement et de l’ampleur manifeste de cette collecte que la Cnil avait infligé une amende si élevée. La Commission avait réclamé l’arrêt de cette aspiration indiscriminée et exigé la suppression des données de toute personne en faisant la demande. Des obligations restées lettre morte.

Les quartiers généraux de Clearview AI se trouvent aux États-Unis, ce qui pose des difficultés pratiques pour recouvrer les sommes en jeu — plus de 25 millions d’euros rien que pour la France. La société opère quasi exclusivement aux USA et dans quelques autres pays anglophones — Canada, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande.

D’ailleurs, c’est avant tout aux États-Unis que Clearview AI prend garde aux lois sur la vie privée dans certains États fédérés. C’est aussi en Amérique qu’une association locale — l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) — a obligé la société à renoncer à certains marchés. Ici, Clearview AI n’a plus la possibilité de traiter avec le secteur privé ni avec des particuliers.

Hoan Ton-That, le patron de Clearview AI, avait prévenu en 2022 qu’il ne prévoyait pas de donner suite aux injonctions de la Cnil ou d’autres autorités européennes. Il expliquait n’avoir aucune enseigne commerciale ni aucun client en France et dans l’Union européenne, ajoutant que son groupe n’avait aucune activité la soumettant au Règlement général sur la protection des données (RGPD).

« Il n’y a aucun moyen de déterminer si une personne est de nationalité française, uniquement à partir d’une photo publique sur Internet, et il est donc impossible de supprimer les données des résidents français », avait-il dit. Il avait déclaré que Clearview ne faisait que prendre les informations librement accessibles sur Internet, exactement comme le font les moteurs de recherche tels que Google.

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