Ce n'était pas une évidence il y a encore quelques années, mais c'est désormais une pratique parfaitement assumée par la firme de Mountain View. Comme le lui demandent les états occidentaux, et notamment la France, Google se livre désormais activement à une surveillance des vidéos publiées sur YouTube, pour éliminer au plus vite toute vidéo publiée par l'Etat Islamique, susceptible de faire la promotion du groupe djihadiste.
"Ce qui s'est passé récemment avec des terroristes qui utilisent Twitter, Facebook et YouTube comme outils de distribution pour leurs vidéos menaçantes et horribles, et comme outils de communication, c'est quelque chose qui a déclenché un nouveau niveau de sécurité au sein de Google", a ainsi raconté Eileen Naughton, la directrice de Google UK, lors d'une conférence à Londres sur la publicité en Europe.
"Nous avons une réponse bien plus rapide (qu'avant). Nous avons des agences gouvernementales qui nous donnent des tuyaux et nous faisons tout ce que nous pouvons pour supprimer des vidéos".
LE PREMIER AMENDEMENT DEVIENT SECONDAIRE
Une telle attitude peut paraître évidente vu d'Europe, mais elle ne l'est pas du point de vue juridique pour une entreprise américaine bercée au 1er amendement. Comme le raconte le professeur de droit Jeffrey Rosen dans un article publié en 2012 dans le Fordham Law Review (.pdf), dans les premières années après son rachat de YouTube, Google avait choisi d'appliquer à la lettre la jurisprudence de la Cour Suprême des Etats-Unis.
Dans son arrêt Brandenburg v. Ohio de 1969 (un an après l'assassinat de Martin Luther King), la haute juridiction s'était appuyée sur la constitution américaine pour affirmer un niveau très élevé de protection de la liberté d'expression aux Etats-Unis, allant jusqu'à autoriser un membre du Ku Klux Klan à tenir des propos haineux contre les Noirs américains. Pour la Cour, dont l'arrêt de 1969 est resté le socle de sa jurisprudence, seule la provocation directe à commettre des violences (comme un appel explicite au meurtre) peut justifier d'entraver la liberté d'expression. Cette vision américaine s'oppose à la vision européenne, beaucoup moins permissive.
Or, comme le notait le professeur Rosen, Google a commencé à s'éloigner de l'arrêt Brandenburg en 2010, lorsqu'il a ajouté la "promotion du terrorisme" aux motifs de retraits des vidéos de YouTube que pouvaient signaler les internautes. "C'est inquiétant, car ça balaie de façon plus large que le standard de la Cour Suprême sur la régulation de l'expression qui incite à la violence", faisait-il constater. "Un système qui applique des standards d'une communauté (celle des utilisateurs de YouTube, ndlr) ne protégera jamais la liberté d'expression de façon aussi scrupuleuse que des juges non élus qui font appliquer les règles strictes pour dire lorsqu'une expression peut être vue comme une forme de conduite dangereuse", regrettait le juriste.
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