Une étude réalisée par IPSOS pour le CIGI dans 24 pays montre que les internautes français sont parmi les moins inquiets, ou les plus naïfs, au sujet de la protection de leurs propres droits et libertés sur Internet ou même de la protection des libertés dans les autres pays. Réalisme, excès de confiance ou aveuglement ?

Le CIGI (Centre pour l'Innovation dans la Gouvernance Internationale) vient de publier une étude très riche aux résultats passionnants, réalisée par l'institut de sondage IPSOS. Les enquêteurs ont questionné 23 376 internautes de 24 pays entre le 7 octobre 2014 et le 12 novembre 2014, sur toute une série de sujets liés à la protection des droits et libertés sur Internet.

Les pays dont les internautes ont été interrogés sont la France, l'Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, l'Egypte, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, Honk Kong, l'Inde, l'Indonésie, l'Italie, le Japon, le Kenya, le Mexique, le Nigéria, le Pakistan, la Pologne, l'Afrique du Sud, la Corée du Sud, la Suède, la Tunisie, la Turquie et les Etats-Unis.

L'échantillon est ainsi très intéressant puisqu'il permet de saisir des différences d'approches aux problématiques selon les régions et les cultures, et de voir des résultats qui sont parfois radicalement opposés.

Ce qui peut ainsi surprendre vu de l'Occident est le résultat d'un premier sondage, qui demandait aux internautes si leur propre gouvernement faisait à leurs yeux "un bon travail" pour sécuriser Internet, aussi bien du point de vue des menaces pour la sécurité des données qu'au niveau des contenus éventuellement censurés. C'est en Tunisie, où la censure reste présente malgré la révolution, que les internautes applaudissent le plus l'action de leur gouvernement, suivi par l'Indonésie, où la censure est vive.

Mais le sondage, riche de beaucoup d'autres questions, permet aussi de constater une étonnante naïveté des internautes français sur les questions liées à la protection de leur vie privée ou de leur liberté d'expression.

La France est ainsi le pays où les internautes croient le moins qu'Internet sera censuré par leur propre pays par une restriction totale ou partielle de l'accès à Internet, qui comprend le blocage de l'accès à certains contenus. Seuls 15 % des internautes pensent que cela risque d'arriver, alors que c'est déjà le cas avec notamment les lois anti-terrorismes qui permettent à la police d'ordonner le blocage de sites sans aucun contrôle judiciaire, ou les accords négociés directement entre l'Etat et des plateformes. C'est également très récent (juillet 2013) que la loi ne permette plus de suspendre l'accès à internet d'un abonné qui aurait simplement failli à son devoir de "sécuriser" l'accès pour empêcher son utilisation contraire à la loi nationale. 

A cet égard les Turcs qui plébiscitent la censure sont aussi les plus lucides.  

La naïveté française est confirmée par cet autre sondage, qui demande aux internautes s'ils pensent que d'autres pays que le leur pourraient décider de restreindre l'accès à internet chez eux. Comme les Français, les Suédois étaient très optimistes pour leur propre pays, mais ils se montrent les plus pessimistes (ou réalistes) concernant les états étrangers. En revanche, les Français restent quasiment les plus naïfs du monde, avec seulement un tiers des sondés qui pensent que des puissances étrangères pourraient décider chez elles de censurer Internet :

Hélas, sans doute parce qu'ils ne subissent pas ou très peu de censure, les Français sont aussi parmi les pays qui sont le moins inquiets de la censure gouvernementale sur Internet (51 % tout de même), contrairement aux Mexicains qui redoutent le plus l'action de l'Etat.

Plusieurs autres questions confirment que les Français ont assez largement plus confiance que les autres dans la protection de leur vie privée sur Internet, malgré les révélations d'Edward Snowden et les critiques de plus en plus audibles sur l'utilisation des données personnelles par les Google, Facebook, Amazon et autres Microsoft.

Là encore, ils se trouvent curieusement en compagnie des Suédois, qui partagent les mêmes sensibilités :

Il existe toutefois un sursaut de résistance lorsque l'on demande aux Français s'ils feraient confiance à leur propre gouvernement pour "jouer un rôle important pour administrer Internet". Là encore on retrouve une opposition inattendue entre des pays où la censure à des fins religieuses et politiques est fréquente (Inde, Tunisie, Indonésie, Chine…), mais où le Gouvernement a la confiance des internautes, et des pays occidentaux où l'on fait beaucoup moins confiance au pouvoir central (Etats-Unis, France, Italie, Corée du Sud, Afrique du Sud…).

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