Publiée cette semaine au Journal Officiel, la directive européenne sur l’allongement des droits musicaux ouvre déjà la porte à une extension de la durée des droits sur les oeuvres audiovisuelles.

Le débat sur l’allongement de la durée de protection des droits d’auteur pourrait revenir sur la table plus rapidement qu’on ne le pensait. La directive du 27 septembre 2011, modifiant la directive 2006/116/CE relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, a été publiée mardi au Journal Officiel de l’Union Européenne (.pdf). Elle dispose dans son article 3 que :

Au plus tard le 1er janvier 2012, le Commission présente au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen un rapport évaluant la nécessité éventuelle d’une extension de la durée de protection des droits des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs dans le secteur audiovisuel. Le cas échéant, la Commission soumet une proposition visant à apporter d’autres modifications à la directive 2006/116/CE

Ainsi la Commission ne dispose que d’un trimestre pour décider d’étendre la durée de protection des droits des œuvres de télévision et de cinéma, ce qu’elle proposera très certainement. La directive publiée cette semaine se limite en effet à étendre la durée de protection des droits des artistes-interprètes et producteurs de musique, à 70 ans après la date d’enregistrement, pour des motivations d’ailleurs extrêmement contestables.

En particulier, il est avancé dans les motifs de la directive que cette restriction du domaine public serait nécessaire parce que « en général, les artistes interprètes ou exécutants commencent leur carrière jeunes et il est fréquent que la durée actuelle de protection de cinquante ans applicable à la fixation d’exécutions ne suffise pas à protéger leurs exécutions pendant toute leur vie« , et que « certains d’entre eux subissent par conséquent une perte de revenus à la fin de leur vie« . Or non seulement il est socialement injuste d’estimer que le travail passé d’un artiste devrait lui assurer une rente à vie, là où celui de la plupart des travailleurs ne leur assure qu’un salaire au mois. Mais en plus, il est totalement absurde de faire de la durée de protection des droits d’auteur une variable d’ajustement de l’assurance retraite des artistes.

Malheureusement, l’allongement de la durée de protection des droits sur l’audiovisuel (dont la restriction du domaine public) annoncé par l’article 3 de la directive paraît aujourd’hui inévitable. Comment justifier qu’une œuvre soit mieux protégée s’il s’agit de musique que de cinéma ou de télévision ?

En pratique cependant, la modification annoncée ne devrait pas changer grand chose. Les auteurs d’œuvres audiovisuelles (scénariste, réalisateur, dialoguiste,…) bloquent déjà l’entrée de leur œuvre dans le domaine public pendant les 70 années suivant la mort du dernier d’entre eux. Or contrairement à la musique, où les auteurs peuvent être décédés depuis bien plus longtemps que l’enregistrement de leur création (en particulier en musique classique), il est aujourd’hui rarissime qu’une œuvre audiovisuelle puisse passer dans le domaine public.

Rappelons que la directive sur la durée des droits musicaux devra être transposée en France d’ici fin 2013. Un cadeau empoisonné pour le prochain gouvernement.

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