Pourquoi s’asseoir sur des centaines de millions d’euros que le fisc français pourrait éventuellement aller récupérer en Irlande, si Apple finit par payer les 13 milliards d’euros d’impôts que la Commission européenne exige de la firme de Cupertino ? Alors que l’affaire promet d’être longue, le ministre français des finances Michel Sapin a d’ores et déjà prévenu que la France ne réclamerait pas sa part à l’Irlande, sans vraiment expliquer pourquoi.
« Je ne sais pas si, dans le cas d’Apple, beaucoup d’argent a été gagné sur le dos de la France mais nous ne réclamons aucune part des 13 milliards », a ainsi prévenu le week-end dernier le gestionnaire de Bercy. « Nous avons pour politique de faire payer les impôts en fonction des bénéfices réalisés sur le territoire français ».
Or toute la question est justement qu’Apple est soupçonné d’avoir fait fuir artificiellement la grande majorité de ses bénéfices européens vers l’Irlande, où ils bénéficiaient d’un traitement de faveur pour être quasiment totalement exonérés d’impôts. Au moment d’annoncer sa décision qui s’appuyait sur le caractère fictif des transferts d’argent, la Commission avait prévenu que des États membres de l’Union européenne seraient fondés à appliquer le même raisonnement pour réclamer qu’une partie des 13 milliards d’euros leur revienne. L’Espagne et l’Autriche ont d’ores et déjà annoncé qu’ils demanderaient leur quote-part, et l’Allemagne pourrait suivre.
Un renoncement à l’impôt ? Pas si sûr
En réalité, il n’est pas si clair que la France s’assoit sur les impôts qu’il estime dus par Apple. Michel Sapin demande simplement que ce soit la loi française qui prime, avec les taux d’imposition français et la justice française. Juridiquement il n’y aurait pas beaucoup de sens à aller se servir dans les 13 milliards d’euros, qui sont calculés selon les taux d’imposition irlandais. D’ailleurs, la France a déjà amorcé un redressement fiscal d’Apple.
D’un autre côté, les mêmes bénéfices ne pouvant pas être fiscalisés plusieurs fois par différents pays, il ne serait pas illogique d’aller discuter directement entre états membres pour savoir qui réclamera quoi, et établir une facture cohérente.
Ce que font l’Espagne et l’Autriche, la France doit aussi le faire
Il n’en fallait donc pas plus pour que le refus de la France de négocier son impôt, dont on ne sait pas s’il est dû à un excès de fermeté ou un excès de laxisme, mette en colère la sénatrice de Paris Marie-Noëlle Lienemann, candidate à la primaire du Parti Socialiste, et tenante de l’aile gauche du parti. Elle juge « inacceptable qu’alors que nos concitoyens ont dû faire face à d’importantes hausses d’impôts depuis 2012, très supérieures à la petite baisse annoncée pour 2017, le ministre exonère Apple et d’autres multinationales d’une imposition plus conséquente et ne fasse pas tout ce qui est possible pour qu’elles contribuent à la hauteur des gigantesques profits qu’elles engrangent en vendant leurs produits dans nos pays ».
« Ce que font l’Espagne et l’Autriche, la France doit aussi le faire », prône-t-elle, en accusant plus largement le gouvernement de « retarde[r] un rééquilibrage de notre fiscalité pour faire payer, comme elles le devraient, ces grandes multinationales ».
Selon L’Humanité, elle demande l’audition du ministre des finances au Sénat, « afin qu’il expose les raisons pour lesquelles le gouvernement renonce à cette recette substantielle », qu’elle estime « contradictoires avec la volonté affichée par le gouvernement de lutter contre la fraude et l’optimisation fiscales ».
Dans son communiqué, Mme Lienemann évoque un « refus du gouvernement de mettre en place, comme l’ont fait certains pays, une taxation des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) recalculant la base imposable en France en la comparant au chiffre d’affaire réalisé ». C’est néanmoins sur ce même raisonnement que le fisc réclamerait 1,6 milliard d’euros d’impôts à Google France, et que le parquet financier de Paris a mené des perquisitions d’ampleur au siège parisien du groupe.
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