Huit journaux et magazines ont officialisé lundi la création de leur kiosque e-Presse Premium, qui doit servir de plateforme de distribution commune aux versions numériques de leurs titres de presse. Avec l’espoir de s’opposer ensemble à Apple, qui souhaite prendre près d’un tiers des revenus générés par les abonnements et ventes au numéro sur son iPad.

C’est sans aucun doute plus souhaitable que de se jeter dans les bras d’Apple, qui ne manquera pas de croquer une part importante des revenus des éditeurs, et une part aléatoire de leur liberté d’expression. L’Equipe, Le Figaro, Libération, Les Echos, L’Express, Le Point et Le Nouvel Obs ont annoncé lundi la création officielle de leur groupement d’intérêt économique (GIE), baptisé e-Presse Premium. Il aura pour but de mutualiser les ressources des différents journaux et magazines pour proposer une plateforme commune d’accès aux titres de presse en version numérique. « Seul absent notable, Le Monde, même s’il a vocation à intégrer le kiosque rapidement« , ajoute Le Figaro.

« Le kiosque doit offrir une marge de distribution raisonnable, de l’ordre de 10 à 15 % seulement« , contre 30 % demandés par Apple sur iTunes, explique Xavier Spender, le DGA de l’Equipe qui assure la présidence du GIE. « Une fois que nous aurons démontré les capacités de notre propre offre, nous irons négocier avec Apple, Google et Facebook afin qu’ils deviennent nos partenaires de distribution dans le cadre que nous aurons fixé« , ajoute-t-il avec beaucoup d’optimisme. Qui des éditeurs de presse ou des grandes plateforme aura le plus besoin de l’autre ? Seul l’avenir le dira.

En attendant, on peine à comprendre comment un magazine comme Le Point peut en moins d’une semaine promouvoir la sortie de son magazine sur iPad, et annoncer la constitution d’un futur kiosque numérique qui aura justement pour objectif d’affaiblir l’iPad. Rendre ses lecteurs dépendants d’une plateforme ne paraît pas la meilleure approche lorsque l’on souhaite dans plusieurs mois démolir cette dépendance…

Le kiosque numérique e-Presse Premium doit donner la possibilité à chaque éditeur de fixer le prix de ses propres abonnements, de vendre des articles à l’acte (une solution de micro-paiement serait à l’étude avec Atos), et chaque éditeur restera propriétaire de son fichier clients. Mais avec un même compte, le lecteur pourra dépenser son argent sur différents titres. Le GIE apporte ainsi une réponse au problème de cloisonnement des journaux, que nous avions décrit lors de l’annonce de la nouvelle formule payante du Monde.fr :

Les jeunes internautes ont pris depuis quinze ans l’habitude de consulter gratuitement sur Internet tous les journaux. Non pas un seul journal, mais tous les journaux. On ne s’assoie plus le matin avec sa tasse à café dans une main et son quotidien dans l’autre. Aujourd’hui, les internautes consultent indifféremment Le Monde, Libération, Le Figaro, Presse Océan, Le Temps, Les Echos… pour eux, payer pour accéder à l’information est déjà une chose difficilement concevable. Mais en plus, payer pour ne lire qu’un seul et même journal, est totalement inimaginable. Ne parlons même pas de l’idée de s’abonner à plusieurs journaux, économiquement irréaliste.

Reste que tel qu’il est décrit, le kiosque numérique semble apporter une mauvaise réponse à un problème qui est mal posé. La question est d’abord moins de savoir comment faciliter le paiement des différents journaux que de savoir si les journaux dans leur forme actuelle peuvent encore donner l’envie d’être achetés. Mediapart a démontré qu’il n’y avait qu’une voie royale pour bien vendre la presse : faire un travail journalistique inédit, creusé, engagé. « Ce qui sauvera la presse ça n’est pas le contenant, mais le contenu« , avions-nous écrit il y a plusieurs mois.

Par ailleurs, le GIE doit mutualiser « les développements de la plateforme de distribution, de la solution de paiement, et des applications pour les tablettes et smartphones« . Or Mediapart, comme Arrêt Sur Images, ont démontré que même pour la presse payante les bons vieux sites Internet en HTML rendaient largement dispensable la création de plateformes techniques ad hoc, coûteuses, qui exigent le paiement d’intermédiaires inutiles. Faute de Flash, les magazines qui apprécient les mises en page sophistiquées, les vidéos et les photos trouveront leur salut dans le HTML5, lisible y compris sur l’iPad.

Est-ce donc utile de prendre le risque d’isoler ainsi les grands titres leaders au temps de la presse papier ? Pas sûr. L’avenir le dira. La plateforme pourrait être lancée au printemps.

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