Selon le mémoire d’un professeur de Droit réputé que s’est procuré Ratiatum, la commission pour copie privée qui fixe en France les règles de la taxe pour copie privée serait illégalement constituée par le gouvernement. Par conséquent, la taxe payée par les consommateurs serait elle-même illicite. Explications.

La taxe pour copie privée, qui a rapporté l’an dernier en France 156 millions d’euros, est-elle illégale ? Dans un mémoire que s’est procuré Ratiatum, le professeur de droit Georges Decocq l’affirme. Spécialisé dans le droit des affaires et en particulier dans le droit de la concurrence, le professeur Decocq accuse sans ménagement les sociétés de gestion collective d’entente anticoncurrentielle et d’abus de position dominante.

Decocq estime d’abord que les taux de rémunération n’ont pas de caractère administratif mais privé. Depuis 1985, la rémunération pour copie privée est administrée par une Commission prévue par la loi, et composée pour 50 % de sociétés de gestion collective, pour 25 % de représentants des consommateurs et pour 25 % de représentants des industries électroniques qui fabriquent les supports taxés. Or selon le mémoire, en confiant ainsi à un ensemble d’organismes privés le soin de gérer un régime législatif, l’Etat français a retiré le caractère étatique de la législation et organisé lui-même la constitution d’une entente anticonrrentielle sur les prix. Ce d’autant plus que « la loi n’impose pas aux membres de la commission de tenir compte de l’intérêt général » dans leurs décisions.

Le professeur accuse la Commission de prendre des décisions dans le seul intérêt des ayant droits qui la compose en majorité. « La Commission doit être considérée comme étant sous le contrôle de droit ou de fait des créantiers de la rémunération pour copie privée« , estime en effet Georges Decocq, qui note que les ayant droits ont la majorité simple alors qu’ « une Commission dite paritaire aurait due être composée de trois collèges représentant chacun 33 % des voix« . Cette particularité permet à la commission de prendre des décisiosn même lorsque les associations de consommateurs pratiquent la politique de la chaise vide, ce qui a été le cas plusieurs fois au cours des dernières années.

Un montant de la taxe trop élevé ?

La SORECOP (qui perçoit pour la copie privée sonore) et Copie France (l’audiovisuel) détiennent chacune un monopole de fait dans la perception de la taxe au nom des ayant droits, et « le droit de la concurrence permet de sanctionner l’entreprise en monopole qui pratique des prix trop élevés« , rappelle le mémoire. En théorie, le montant de la taxe est déterminé par le préjudice ressenti du fait de la copie privée. Or, « à l’heure actuelle, la disharmonie de rémunération [entre les différents pays européens] et le montant totalement déconnecté du marché français font que le préjudice compensé varie de 1 à 7 !« .

Pour le professeur Decocq, rien sauf un abus de position dominante ne peut justifier de telles distorsions. « Que l’on copie un DVD du dernier concert de Madonna à Bruxelles, à Munich ou à Bordeaux, le préjudice à compenser devrait être semblable« , rappelle-t-il. En Allemagne, le montant de la taxe sur les DVD vierges est de 0,174 euros. En France, c’est 1,10 euro qui est prélevé par DVD.

Aussi « les ventes de DVD sont freinées en France« . Il s’est vendu environ 21,7 millions de DVD vierges en France en 2005, contre 174 millions en Allemagne, rappelle le professeur Decocq. « Le consommateur français est pénalisé« , et « les distributeurs français de DVD par Internet sont pénalisés« , constate Decocq, qui fait référence à l’affaire RueDuCommerce qui voit le vendeur français se retirer du marché des supports vierges. « Les distributeurs, principales victimes des montants non harmonisés de rémunération, ne peuvent ni exprimer leur position, ni exprimer leur point de vue dans cette commission dite paritaire« . Ils n’y ont en effet aucun représentant.

De quoi alerter un peu plus encore lorsque quelques cinquante organisations, sous couvert d’un droit à la copie privée fortement diminué, réclament à corps et à cris le maintien voire l’augmentation de la rémunération pour copie privée…

La Commission doit se réunir à nouveau dans les prochaines semaines pour fixer une extension de la rémunération aux clés USB et disques durs externes.

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