Les sénateurs de la commission des lois ont adopté mercredi une proposition de loi socialiste visant à limiter l'usage des technologies de biométrie dans la vie quotidienne. Mais le texte, en apparence strict, laisse suffisamment de marges de manoeuvre pour en contourner l'esprit.

Mise à jour : le projet de loi sera discuté par l'Assemblée Nationale le 27 mai prochain.

La commission des lois du Sénat a adopté mercredi une proposition de loi socialiste "visant à limiter l'usage des techniques biométriques". Selon les explications du sénateur Gaëtan Gorce, à l'origine du texte, il s'agit de répondre "au développement exponentiel de l'usage des données biométriques, en particulier pour contrôler l'accès à des services ou à des locaux professionnels, commerciaux, scolaires ou de loisirs".

Les sénateurs s'inquiètent en effet de la montée en puissance des technologies qui permettent d'identifier un individu à partir de ses attributs physiques et comportementaux. Il s'agit aussi bien des lecteurs d'empreintes que l'on retrouve désormais sur les téléphones mobiles, qui permettent à Apple et Samsung de constituer des bases de données privées d'empreintes digitales (sans que ça n'émeuve la CNIL…), que des systèmes de reconnaissance du visage, de reconnaissance vocale, de reconnaissance du rythme de saisie au clavier ("keystroke"), de lecture de l'iris, du contour de la main, etc., etc.

"À cette mutation technique, qui n'en est qu'à son commencement, s'ajoute une volonté de diversification des usages pour répondre à des enjeux soit de contrôle social (comme le contrôle des horaires de travail via un mécanisme de recueil d'empreinte à l'entrée ou à la sortie du bureau ou de l'atelier) soit de simple confort commercial (accès à un restaurant scolaire, une piscine après vérification du contour de la main, etc)", constate Gaëtan Gorce.

"La question qui nous est posée est en effet de savoir si nous sommes prêts à consentir à une banalisation de l'usage de données tirées du corps humain ou si nous voulons que cet usage soit limité à des situations exceptionnelles".

Un texte insuffisant en l'état

C'est donc pour limiter la biométrie à des "cas exceptionnels" que les sénateurs ont adopté en commission le texte socialiste. Mais celui-ci n'aura que peu d'effet tant sa rédaction est suffisamment large pour permettre à peu près tous les scénarios de contrôle de l'accès par biométrie :

Ne peuvent être autorisés que les traitements ayant pour finalité le contrôle de l'accès physique ou logique à des locaux, équipements, applications ou services représentant ou contenant un enjeu majeur dépassant l'intérêt strict de l'organisme et ayant trait à la protection de l'intégrité physique des personnes, à celle des biens ou à celle d'informations dont la divulgation, le détournement ou la destruction porterait un préjudice grave et irréversible.

Lu rapidement, le texte peut sembler très limitatif et protecteur. Mais en réalité, à titre d'exemple, Apple pourra parfaitement justifier que son lecteur d'empreintes sur l'iPhone 5s est un "contrôle de l'accès logique à des applications", qui dépasse son seul intérêt puisqu'il vise à protéger les intérêts majeurs des clients (leur vie privée, la confidentialité de leur carnet d'adresses, de leurs applications bancaires, etc.). Il ajoutera qu'il s'agit bien de protéger l'intégrité "d'informations dont la divulgation, le détournement ou la destruction porterait un préjudice grave et irréversible" au possesseur d'un iPhone volé.

Pour être réellement efficace, il faudrait selon nous ajouter au texte une disposition qui précise que ne peuvent être autorisés que les traitements biométriques à la fois "indispensables" et "proportionnés" à l'objectif de sécurisation recherché. Or dans ce cas, pour poursuivre notre exemple, Apple aurait beaucoup plus de difficultés à démontrer que le lecteur d'empreintes est "indispensable" à la sécurisation des données du téléphone, ou que la constitution d'un fichier privé d'empreintes biométriques est une méthode "proportionnée" au besoin de contrôler l'identité d'un client. 

Le texte sera examiné en séance plénière du Sénat le 29 avril prochain.

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