Le projet de loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) devait favoriser le développement d’une offre légale sur Internet. Le gouvernement a tellement bien travaillé que son texte pourrait au contraire conduire au départ du plus grand acteur de la musique en ligne légale, Apple.

Alors qu’il doit être voté définitivement ce vendredi 30 juin, nous ne connaissons toujours pas officiellement le contenu du projet de loi DADVSI amendé la semaine dernière par la Commission Mixte Paritaire (CMP). Pour tenter de ménager la chève et le chou, le principe de l’interopérabilité aurait été sauvegardé par la CMP, mais largement encadré de sorte qu’il devient quasiment inexistant. L’Autorité de Régulation des Mesures Techniques, inventée par le Sénat, est maintenue. Elle a désormais « une mission générale de veille dans les domaines des mesures techniques de protection et d’identification des œuvres et des objets protégés« . L’autorité aura un pouvoir d’injonction et pourra infliger des sanctions pécuniaires, mais elle ne pourra pas être saisie par des particuliers. Surtout, la CMP aurait conservé une disposition qui permet à Apple de s’assurer, à travers ses contrats avec les maisons de disques, que l’interopérabilité de lui est pas imposable.

Mais tout de même. Dans un communiqué publié au lendemain de la CMP, le géant de Cupertino s’est montré très menaçant envers la France. « Nous attendons le résultat final du processus législatif de la France, et nous espérons qu’ils laissent le marché extrêmement compétitif dirigé par le choix des consommateurs décider quels sont les lecteurs de musique et les boutiques de musique en ligne offerts aux consommateurs« , a indiqué Apple. Pour le New York Times, cette déclaration est « le signe le plus fort que [Apple] pourrait se retirer du marché du téléchargement français plutôt que de se plier [à la nouvelle loi]« . « Nous n’avons rien de plus à ajouter« , a dit froidement un porte-parole d’Apple quand le quotidien américain a demandé à la Pomme si elle menaçait bien de quitter le marché français.

Lorsque les députés français ont voté un article 7 particulièrement engagé sur la question de l’interopérabilité, Apple avait été le premier à s’insurger et à critiquer un « piratage sponsorisé par l’Etat« . La menace implicite du géant de la musique en ligne iTunes de se retirer de France avait suffit à convaincre le Sénat d’imposer des conditions beaucoup plus strictes à la mise en œuvre de l’interopérabilité. L’usine à gaz que les sénateurs ont créé avec l’Autorité de Régulation pourrait cependant ne pas retenir Apple en territoire français. Un beau succès pour Renaud Donnedieu de Vabres qui voulait favoriser le développement de l’offre légale.

TF1 fâche l’industrie du disque

De plus, signe supplémentaire d’improvisation sur le projet de loi, Le Point indique que « TF1 a obtenu des députés et des sénateurs, réunis en commission mixte paritaire, l’introduction d’un amendement inédit autorisant les chaînes de télévision à diffuser gratuitement des extraits de musique sans passer par la case droit d’auteur !« . « Quelques centaines de milliers d’euros par an d’économie pour elles, mais autant de pertes pour les auteurs« , condamne l’hebdomadaire. Si l’amendement de TF1 va dans le sens d’un droit d’auteur plus souple et donc plus favorable à la diversité, il devrait néanmoins susciter l’opposition de l’industrie du disque, qui pourrait se mordre les doigts d’avoir ainsi pousser l’adoption dans l’urgence d’un texte mauvais pour tout le monde.


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