Bernard Cazeneuve a indiqué dimanche que 36 sites internet avaient déjà été bloqués sur ordre du ministère de l'intérieur, sans qu'aucune explication détaillée ne soit fournie, ni que l'accusation aboutissant à la censure ne soit vérifiée par un magistrat.

Au détour d'un communiqué de presse sur les arrestations opérées dimanche matin relatives à la tentative d'attentat déjouée de Villejuif, le ministère de l'intérieur a fait savoir que 36 sites internet avaient d'ores et déjà fait l'objet d'une mesure de blocage administratif, dans le cadre d'une stratégie globale de lutte contre le terrorisme mise en oeuvre par la France, qui "ne connaît aucune pause".

"Elle est permanente et renforcée chaque jour par les moyens supplémentaires que le Gouvernement mobilise. Tous les jours, nous procédons à des interpellations, nous empêchons des départs vers la Syrie et interceptons des individus de retour sur notre sol. Tous les jours, nous portons des coups au terrorisme", se félicite le ministre de Bernard Cazeneuve.

"A ce jour, 1750 individus sont recensés pour leur implication à un titre ou à un autre dans les filières djihadistes. 113 français ou résidents en France ont trouvé la mort sur le théâtre des opérations. 130 procédures judiciaires concernant 650 personnes sont en cours pour des activités liées au terrorisme. 60 interdictions  administratives de sortie du territoire ont déjà été prononcées, et une cinquantaine d’autres sont en cours d’instruction. 36 sites Internet faisant l’apologie du terrorisme ont déjà fait l’objet d’une mesure de blocage. Les mesures de la loi antiterroriste du 13 novembre dernier sont toutes en application. Les renforts supplémentaires pour nos services de renseignements annoncés par le Premier Ministre en janvier se mettent en place dans les délais prévus. Tous les services placés sous ma direction travaillent dans une totale coordination".

UNE CERTAINE VISION DE LA DÉMOCRATIE

Une totale coordination, mais pas une totale transparence. Comme le prévoit la loi anti-terrorisme de novembre 2014 qui n'a pas été présentée au Conseil constitutionnel, la liste des sites à bloquer établie par les services de l'Etat est transmise sans aucun contrôle judiciaire aux FAI, dans le plus grand secret. Théoriquement, la procédure permet de contester le blocage après-coup, si l'on estime qu'il est abusif, soit que l'on édite un site censuré, soit que l'on soit lecteur d'un site censuré, privé de la liberté d'accéder à l'information (qui est un droit de l'homme à part entière, et même "la pierre de touches de toutes les libertés" selon la toute première session de l'ONU en 1946). Mais comme l'a démontré les suites données à notre recours contre le blocage d'un média indépendant (Islamic-News.info) accusé de faire l'apologie du terrorisme, le ministère de l'intérieur ne juge pas utile de répondre aux demandes de levées de blocage, ni de se justifier. Il nous faudra aller jusqu'aux tribunaux, et peut-être jusqu'à une QPC, pour que soit peut-être enfin remis en cause le pouvoir confié à la police de censurer un média sans aucune explication ni aucun contrôle.

Existe-t-il, parmi les 36 sites bloqués, d'autres cas contestables comme celui du site Islamic-News ? Sauf à tomber par hasard sur un site bloqué, ou à en être averti par un tiers, il n'existe aucun moyen de le savoir. Ceci au nom de la lutte d'une démocratie contre l'autoritarisme islamiste. 


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