Tandis qu'il se donne d'un côté le pouvoir d'ordonner à Google le déréférencement de sites de propagande terroriste, le gouvernement français achète de l'autre des publicités Google AdWords pour mettre en avant son propre site Stop-Djihadisme. Une illustration moderne des tactiques de propagande et de contre-propagande propres à chaque guerre.

Il n'existe jamais de guerre qui ne soit pas accompagnée, dans chaque camp, d'une politique de propagande de guerre. Il faut expliquer aux siens que l'on représente le camp du bien et des vraies valeurs à défendre, que la guerre est exclusivement la faute de l'ennemi, qu'il n'y a que l'adversaire à recourir à des méthodes détestables, ou encore que la victoire n'est qu'une question de temps, mais qu'elle est certaine. Il s'agit d'unir ses troupes et la population civile contre l'ennemi, et de faire accepter comme légitimes les efforts nécessaires, y compris de pertes de libertés.

A contrario, il faut aussi neutraliser la propagande ennemie. C'est tout l'objet d'une stratégie en cisaille déployée par la France à l'encontre des djihadistes de l'Etat Islamique ou Al-Qaïda.  

D'un côté, la récente loi anti-terrorisme de novembre 2014 a fourni à l'Etat les moyens de communiquer aux FAI une liste de sites de propagande terroriste à bloquer, selon des critères flous et fortement politiques, non soumis au contrôle d'un juge. Le décret d'application devrait être publié dans les tous prochains jours, ce qui permettra de mettre en oeuvre cette censure policière dont l'extension à d'autres catégories de sites est déjà programmée. Le dispositif prévoit non seulement de bloquer l'accès aux sites internet listés par le ministère de l'intérieur, mais aussi et surtout d'ordonner leur déréférencement sur Google et les autres moteurs de recherche ou annuaires. On ne se contente donc plus d'empêcher que les civils aient accès à la propagande de l'ennemi, on s'assure qu'ils ne soient même plus informés du fait qu'elle existe quelque part.

DES CAMPAGNES GOOGLE ADWORDS

D'un autre côté, la France et l'Europe mettent en oeuvre leur propre propagande pour s'opposer à celle de l'Etat Islamique, et s'assurent qu'elle soit visible. Le gouvernement français a ainsi lancé cette semaine le site Stop-Djihadisme, qui doit permettre de freiner ou détecter plus tôt les comportements de "radicalisation" qui conduisent vers l'ennemi. Et alors que les sites de l'Etat Islamique sont ou seront bientôt déréférencés de Google sur instruction, la France a décidé de payer Google pour mettre en avant Stop-Djihadisme.

Selon nos constatations, l'Etat a acheté une campagne de mots clés Google AdWords pour mettre son site Stop-Djihadisme en tête des résultats de recherche sur une série de termes liés à la guerre contre l'Etat Islamique. Nous avons ainsi trouvé des publicités associées aux termes suivants, dont la liste n'est certainement pas exhaustive : 

  • Djihadisme
  • Moudjahidine
  • Etat Islamique
  • EI
  • AQPA (Al-Qaïda dans la péninsule arabique)

Contacté jeudi par Numerama, le ministère de l'intérieur nous a confirmé que cet achat de mots clés sur Google était opéré par le Service d'Information du Gouvernement (SIG). Relancé par téléphone et par e-mail, le SIG n'a jamais répondu depuis à nos demandes concernant le montant dédié à cette campagne, et les éventuels autres supports utilisés sur Internet.

Aucune publicité pour Stop-Djihadisme ne s'affiche en revanche pour des expressions qui semblent plus pertinentes dans le cadre d'une recherche concrète d'informations par des personnes radicalisées, comme "partir en Syrie" ou "rejoindre al-Nosra". 


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