Les députés ont adopté jeudi soir l'article 17 du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, qui étend la responsabilité des intermédiaires techniques pour les obliger à censurer d'office les contenus qui inciteraient à "la haine" à l'égard des femmes, des homosexuels ou des handicapés. Un objectif louable, mais aux effets redoutables.

Les députés ont adopté jeudi soir en seconde lecture le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, y compris l'article 17 très controversé qui étend à de nouveaux champs le régime de responsabilité des intermédiaires techniques, qui les oblige à faire la police sur les contenus qu'ils hébergent.

La disposition adoptée devra encore être confirmée par la commission mixte paritaire chargée de concilier les positions du Sénat et de l'Assemblée, mais ce ne devrait être qu'une formalité. Elle ajoute la "haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap" à l'article 6 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), qui dispose que "compte tenu de l'intérêt général attaché à la répression de l'apologie des crimes contre l'humanité, de l'incitation à la haine raciale ainsi que de la pornographie enfantine, de l'incitation à la violence, notamment l'incitation aux violences faites aux femmes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine", les hébergeurs — auxquels sont assimilés les plateformes de contenus comme YouTube, Twitter ou Facebook — doivent :

  • mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de contenus ;
  • agir promptement pour retirer les contenus ou en rendre l'accès impossible ;
  • informer promptement les autorités publiques compétentes de toutes ces activités illicites qui leur seraient signalées et qu'exerceraient les destinataires de leurs services ;
  • rendre publics les moyens qu'elles consacrent à la lutte contre ces activités illicites.

Toute la difficulté, qui existait déjà avec les incitations à la haine raciale ou les incitations à la violence, est de confier à des entreprises privées le soin de qualifier pénalement les propos qui leur sont signalés, pour qu'eux-mêmes décident ou non de les censurer et de les transmettre aux autorités compétentes (en pratique à l'OCLCTIC, à travers la plateforme Pharos).

Où s'arrête un propos sexiste et où commence une incitation à la haine des femmes ? A quel moment un jugement de valeur sur l'homosexualité bascule-t-il vers une incitation à la haine contre les gays et lesbiennes ? Responsabilité pénale oblige de l'intermédiaire technique permissif, le doute profitera toujours à la censure.

"Une cause trop importante pour servir de paravent"

"Comme l'a dénoncé La Quadrature du Net tout au long du processus législatif, une telle extension de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) porte gravement atteinte aux droits fondamentaux des citoyens, et notamment à la liberté d'expression et au droit au procès équitable", rappelle l'association dans un communiqué. Felix Tréguer, co-fondateur de la Quadrature du Net, estime que "les débats ont témoigné d'un inquiétant aveuglement face aux risques inhérents à la censure privée, et d'une coupable surdité face aux propositions alternatives visant à renforcer les moyens de la justice".

"La lutte contre les discriminations est une cause trop importante pour servir de paravent à des politiques attentatoires aux droits fondamentaux".

Hélas, le rapport sur la cybercriminalité, qui a fuité cette semaine, a encore démontré cette tendance lourde de privatisation de la justice et de la police, à travers l'accroissement de la responsabilité pénale des intermédiaires techniques.

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