"Ennemi de la Nation", "archéo-rétrogrades"… Gilles Babinet, désigné par le gouvernement pour représenter la vision numérique française en Europe, n'a pas de mots assez durs pour critiquer l'action de la CNIL, qu'il aimerait voir disparaître.

Le 25 juin dernier, la ministre de l'économie numérique Fleur Pellerin a nommé (.pdf) Gilles Babinet comme "représentant français du programme des champions du numérique auprès de l'Union Européenne". L'ancien président du Conseil National du Numérique, qui a fondé de nombreuses start-up et qui préside l'entreprise Captain Dash, est ainsi chargé de promouvoir "les avantages de la société numérique" aux côtés de la commissaire européenne Neelie Kroes et des autres "Digital Champions" nommés par chacun des pays membres de l'UE.

"J'ai, à de nombreuses occasions, mesuré l'implication à la fois très créative et constructive de Gilles BABINET dans la réflexion sur l'avenir de l'écosystème numérique français", avait à l'époque expliqué Fleur Pellerin pour justifier la nomination. Gilles Babinet "développe une véritable vision stratégique sur l'innovation et l'économie numérique".

Mais cette vision stratégique risque d'en faire bondir plus d'un. Dans une interview à Usine Nouvelle, Gilles Babinet attaque avec une rare agressivité l'action de la CNIL, qu'il estime pénalisante pour le développement du numérique. "Si on était courageux on pourrait créer un ou deux millions d’emplois qualifiés en cinq ans. Mais pour cela, il faut arrêter de ménager les susceptibilités. A titre d'exemple, soit profondément réformer soit fermer la Cnil. Avec sa régulation excessive, c’est un ennemi de la Nation", condamne-t-il.

Ces derniers temps, la CNIL s'est montrée intéressée par l'idée de taxer les données personnelles, a ouvert une action répressive contre Google, a multiplié les conseils pour échapper au traçage publicitaire, ou s'est encore montrée critique envers Facebook.

"On assiste quand même dans notre pays à une bataille assez marquée entre plusieurs segments de la société", continue Gilles Babinet. "Il y a d’un côté les "archéo-rétrogrades" qui veulent conserver un État hypercentralisé et dont la CNIL serait le porte-drapeau. De l’autre, une société civile qui veut moderniser le pays."

"Mais dès que s’ouvre un débat sur le numérique, il y a toujours quelqu’un pour brandir des questions de préservation de la vie privée ou de sauvegarde de l’emploi !"

Mais au fait, que fait sa société Captain Dash présidée par Gilles Babinet ? L'entreprise, qui propose des services de "renseignement marketing", "vous permet de collecter et de fouiller dans vos données comme jamais vous ne l'avez fait auparavant". Discrète sur ses activités, elle réunit dans une seule base de données (du "Big Data") toutes les données utiles à un service marketing sur l'ensemble des clients et prospects, en les croisant avec des données extérieures susceptibles d'influencer les ventes (de la météo à l'état du trafic routier jusqu'aux cours de bourse….).

Lorsqu'il était encore président du Conseil National du Numérique, Gilles Babinet avait dit souhaiter "l'émergence d'un internet sain pour les citoyens". Ce qui, visiblement, se traduit pour lui par un internet où l'on ne veille plus au respect de la vie privée.

Sans doute s'entendrait-il bien avec la présidente de la CPD de l'Hadopi, qui a écrit dans un rapport que le régulateur n'avait pas à protéger la vie privée mieux que ne le font les sociétés privées.

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