Le Parti Socialiste pourrait ne pas saisir le Conseil constitutionnel contre le projet de loi de protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet (Hadopi 2). Une position qui, le cas échéant, serait très mal vécue par des internautes qui ont déjà trouvé de lourds motifs d’inconstitutionnalité au texte présenté par Michèle Alliot-Marie et Frédéric Mitterrand.

Mise à jour : Mettant fin aux rumeurs, le Parti Socialiste a annoncé mercredi son intention de saisir le Conseil constitutionnel et même le Conseil d’Etat contre le projet de loi Hadopi 2, s’il est adopté à l’Assemblée Nationale.

Dès les grandes lignes du projet de loi Hadopi 2 connues, la communauté internaute s’est mobilisée pour dénoncer l’inconstitutionnalité de la rustine apportée au texte de Christine Albanel, qu’avait déjà censuré le Conseil constitutionnel. Numerama et Maître Eolas, notamment, s’étaient prononcés sur des motifs d’inconstitutionnalité. Le Conseil d’Etat en a ajouté d’autres. Au Sénat, la sénatrice Verts Alima Boumediene-Thiery a très clairement détaillé les points d’inconstitionnalité du projet de loi. Mais le Parti Socialiste n’affirme pas encore son intention de saisir une nouvelle fois les sages si le projet de loi de Michèle Alliot-Marie et Frédéric Mitterrand est adopté à l’Assemblée Nationale.

Le collectif Pour Le Cinéma, accompagné de 150 labels indépendants, s’en est inquiété dans un billet. « Alors que tout porte à croire que ce nouveau texte comporte un nombre de dispositions anti-constitutionnelles au moins aussi nombreuses que son frère défunt, alors qu’elle ne fait qu’étendre des dispositifs législatifs déjà existants et ayant démontré leur inefficacité, les députés PS, tombant dans le piège de Sarkozy, auraient pris peur et ne souhaiteraient saisir le Conseil Constitutionnel afin de ne pas se mettre définitivement à dos une partie des industries culturelles« , écrivent-ils.

Sauf à ce que le texte soit profondément modifié par amendements, ce qui est plus que douteux, la non-saisie du Conseil constitutionnel n’aurait aucune justification juridique. Mais elle aurait des explications pratiques, politiques et politiciennes.

D’un point de vue pratique tout d’abord, le projet de loi Hadopi 2 devrait être adopté d’ici la fin du mois de juillet, ce qui demande de saisir les sages au début du mois d’août. Pendant que les députés sont en vacances aux quatre coins de la France, ou du monde. Or la saisine du Conseil constitutionnel demande la signature de 60 députés ou 60 sénateurs. Il faut donc que le PS s’organise d’abord et réussisse à mobiliser suffisamment de signataires, à la période de l’année où c’est le plus compliqué.

Du point de vue politicien, le PS pourrait craindre que ça ne soit un effort sans grand bénéfice politique. Le Conseil constitutionnel mettant en général trois semaines à rendre son avis, celui sur la loi Hadopi 2 sera communiqué à la fin du mois d’août. Pendant que les Français sont en vacances et ne se préoccupent plus de l’actualité politique. Le bénéfice médiatique d’une nouvelle censure de la loi serait donc faible. De plus, le PS se méfie de la machine de guerre politique qu’est Michèle Alliot-Marie. Elle a une influence et un réseau beaucoup plus puissant que ceux de Renaud Donnedieu de Vabres et Christine Albanel en leur temps. Lui faire subir le ridicule d’une censure cinglante du Conseil constitutionnel, c’est risquer un douloureux retour du bâton lorsque les socialistes seront eux-mêmes au pouvoir.

Enfin d’un point de vue politique, le Parti Socialiste ne veut pas donner l’impression d’être jusqu’au-boutiste dans « la défense des pirates », alors que leur principale revendication (l’encadrement par l’ordre judiciaire de la suspension de l’accès à Internet) est en apparence satisfaite par le nouveau projet de loi. Les artistes les plus en vue médiatiquement, qui ont déjà mal vécu l’opposition à la loi Hadopi, pourraient véritablement lyncher le PS s’il s’obstine à faire obstacle à toute chasse aux pirates.

Pour toutes ces raisons, le Parti Socialiste pourrait choisir de ne pas saisir le Conseil constitutionnel et de laisser la loi Hadopi 2 être promulguée, en expliquant qu’elle ne sera de toute façon jamais appliquée. Mais ça serait alors une faute lourde dont les internautes se souviendraient longtemps.

François Bayrou se mord encore les doigts d’avoir négligé le pouvoir politique des internautes pour les élections européennes de mai dernier. En ne s’opposant pas vigoureusement à l’Hadopi, le leader du MoDem a coupé les relais d’influence qu’il s’était forgé sur Internet dans la perspective des présidentielles, lorsqu’il avait dénoncé avec force la loi DADVSI, le pouvoir des lobbys et la collusion des médias traditionnels avec le pouvoir. Il lui faudra maintenant beaucoup d’énergie – trop sans doute – pour regagner ce capital d’ici les élections de 2012.

Le Parti Socialiste, qui a au contraire gagné du capital de crédibilité avec la censure de la loi Hadopi, serait bien inspiré de ne pas le dilapider en laissant passer l’Hadopi 2 sans saisir le Conseil constitutionnel. Les Verts, qui sont sans ambiguité sur ces sujets, pourraient encore y trouver un bénéfice politique supplémentaire pour les élections régionales. Une partie de la survie du Parti Socialiste se joue dans la saisie ou l’absence de saisie du Conseil constitutionnel contre la loi Hadopi 2.

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