Le réflexe était naturel. Pour augmenter le chiffre d’affaires, le plus simple est d’augmenter les prix. En dessous d’un certain seuil, la perte d’une partie de la clientèle reste rentable, et même profitable. Ce calcul, réalisé par les majors de d’industrie du disque, semble payer sur iTunes. Mais pour combien de temps ?

Le magazine Billboard, la bible de l’industrie musicale, a publié un long article qui remet en question les conclusions que nous avions relayées le mois dernier concernant l’insuccès de la politique des prix variables imposée par les maisons de disques sur iTunes. Le blog spécialisé Digital Music News avait en effet indiqué d’après des sources internes de l’industrie musicale que depuis l’augmentation des prix sur iTunes à 1,29 euro par chanson, non seulement les ventes avaient baissé en unités, mais également en chiffre d’affaires.

Or selon Billboard, la réalité serait beaucoup plus complexe. Le magazine décrit en effet une baisse générale du nombre de ventes des chansons les plus populaires, vendues 1,29 euro/dollar l’unité, mais estime que les majors de l’industrie du disque augmentent néanmoins leurs bénéfices par rapport à l’ancien prix unique à 99 centimes.

Sur les 40 chansons les plus populaires de la semaine, qui ont presque toutes désormais le prix de 1,29 euros l’unité, les ventes auraient baissé de 11 % dans les six semaines qui ont suivi la modification tarifaire, par rapport aux six semaines précédentes. Mais la différence de prix surcompense la baisse, et permet à Apple d’enregistrer une hausse d’environ 10 % de son chiffre d’affaires. Les majors, elles, enregistrent une hausse de 20 % de leurs bénéfices grâce à un prix de gros supérieur.

Moins les morceaux vendus à 1,29 euros sont populaires, plus l’augmentation du prix est néfaste. Billboard a ainsi étudié un échantillon de 70 chansons du fond de catalogue, dont les ventes étaient régulières et qui n’ont pas bénéficié d’un quelconque coup de pousse médiatique exceptionnel. Sur cet échantillon (composé de titres de Stevie Wonder, Bob Marley, Bon Jovi, Jack Johnson, Billy Joel, Creedence Clearwater Revival, Sublime, Norah Jones, ABBA et d’autres), les ventes ont baissé de 20,9 % par rapport à l’ancien prix. Le double du top 40.

Tant que les ventes ne baissent pas de plus de 29 %, l’augmentation du prix reste bénéficiaire. C’est une simple règle de trois.

Inversement, Billboard n’a pas constaté d’augmentation significative des ventes des morceaux lorsqu’ils sont proposés au prix de 69 centimes l’unité. Le prix est certes attractif pour ceux qui payent déjà leur musique, mais il ne fait pas venir de clients supplémentaires des réseaux P2P où tout est gratuit. L’effet est donc nul, sauf lorsque les morceaux sont proposés à ce prix dans des packs promotionels, par exemple à l’occasion de la sortie d’un nouvel album. Dans ce cas, la baisse du prix incite les consommateurs à acheter les anciens albums qu’ils n’auraient pas acheté autrement, ce qui augmente le panier moyen du client.

Les maisons de disques naviguent encore à vue dans ces nouveaux tarifs, et devront acquérir l’expérience pour déterminer le juste prix pour ne jamais tomber sous la barre des 29 % de baisse de ventes. Reste qu’augmenter le prix et sacrifier au passage une partie de la clientèle ne devrait pas être une tactique payante sur le long terme. Ca n’est pas, en tout cas, le meilleur moyen de donner aux internautes l’habitude d’acheter leur musique sur Internet.

En 2006, le marché de la vente numérique de musique avait progressé de 147 % selon des données de Nielsen Soundscan. En 2008, la croissance avait déjà chuté à seulement 27 %. Cette année, jusqu’au 7 juin, Nielsen n’enregistre pour le moment qu’une croissance de 14 %, très insuffisante pour compenser la chute des revenus du disque physique. L’augmentation des prix permet d’éteindre l’incendie, mais pas de reconstruire le bâtiment détruit.

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