La Commission culture du Parlement européen a adopté mardi le projet de directive sur l’allongement des droits d’auteur et droits voisins qu’avait présenté le commissaire Charles McCreevy, sous la pression des artistes-interprètes britanniques. Alors que les musiciens, les chanteurs et les producteurs bénéficient d’un droit patrimonial exclusif sur les interprétations pendant 50 ans après l’enregistrement, les députés européens ont jugé que ça n’était pas assez.

Plutôt que de ramener l’ensemble des droits d’auteur à des délais de protection plus raisonnables, le Parlement a accepté de faire passer la durée de protection à 95 ans après l’enregistrement. Autant dire, une rente à vie pour les artistes qui ont connu, un jour, un succès rejoué ensuite en boucle dans les radios et les télévisions, et aujourd’hui sur Internet, par un simple bouton « play ».

D’après nos information, le texte a été voté à l’unanimité des groupes (gauche, droite et libéraux), à l’exception de Guy Bono. Le député socialiste a préféré s’abstenir après le rejet d’un amendement favorisant une rémunération collective des artistes-interprètes sur les plateformes en ligne, plus favorable que les accords privés avec les producteurs (plus d’information à suivre dans nos colonnes).

« Beaucoup d’artistes qui ont commencé jeunes leur carrière voient leurs premiers enregistrements tomber dans le domaine public de leur vivant, perdant ainsi le contrôle et les bénéfices de leurs exploitations commerciales« , s’étaient plaintes les organisations britanniques d’artistes-interprètes et de producteurs, soutenues par leurs homologues françaises et européennes. C’est comme si un charpentier exigeait de recevoir un droit de suite sur chacune des ventes successives de la maison dont il a construit le toit il y a un demi-siècle.

Sous prétexte de protéger la création, les lobbys de l’industrie musicale parviennent à faire oublier aux députés toute justification sociale au droit d’auteur. La durée limitée de la protection a été fixée à l’origine pour permettre à la société de jouir librement d’une œuvre qui a été rentabilisée par son créateur, et dont les sommes acquises pendant la période d’exclusivité lui ont permis de créer d’autres œuvres au bénéfice du plus grand nombre. Pourtant, en trois siècles, la durée de protection des droits d’auteur et des droits voisin n’a cessé d’être allongée, bien plus vite que la durée de la vie.

Pour justifier d’une durée allongée, les artistes-interprètes et les producteurs prétextent un traitement de faveur des auteurs de chansons, dont les droits exclusifs sont protégés pendant 70 ans après leur mort. Mais plutôt que de regarder qui a la plus grande, il serait sans doute plus sage de faire en sorte que tout le monde en ait une plus petite, quite à fâcher quelques lobbys complexés. Un chercheur britannique avait en effet calculé l’an dernier que la durée optimale de protection des droits des auteurs, des compositeurs et des producteurs serait de 14 ans après la création de l’œuvre. Au delà, l’œuvre pouvait tomber dans le domaine public.

Nous en sommes, aujourd’hui, très loin.

Pour être adoptée définitivement, l’allongement des droits voisins devra être votée en séance plénière du Parlement Européen, qui n’est pas toujours en phase avec ses commissions. Le vote devrait intervenir en février 2009.


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