Savez-vous la différence entre une révolte et une révolution ? Le but d’une révolte est de détruire, alors que le but d’une révolution est de reconstruire. Le développement des réseaux P2P sécurisés qui répondent aux attaques croissantes contre le partage de fichiers sont-ils le prélude à une révolte, ou à une révolution ? Difficile question à laquelle un nouveau venu, Anomos, apporte une réponse : l’Anarchie doit régner sur Internet.

Tout le monde semble désormais vouloir rendre anonymes les transferts de fichiers sur les réseaux P2P. Les réseaux sécurisés sont déjà nombreux, mais peu connus du grand public. Avec les lois de type Hadopi qui promettent d’accentuer encore la pression sur les P2Pistes, les internautes vont s’intéresser de plus en plus aux protocoles qui permettent de continuer à s’échanger des fichiers en toute sécurité. The Pirate Bay a déjà annoncé leur intention de mettre au point une version anonymée de BitTorrent, et ils sont rejoints dans leurs ambitions par deux autres développeurs.

Rich Jones et John Schank ont présenté cette semaine lors de la conférence HOPE à New York les premières pierres d’une version dérivée de BitTorrent, Anomos, censée trouver le meilleur compromis entre anonymat et rapidité. Basé sur le code de BitTorrent 4.0, Anomos ajoute un cryptage des fichiers échangés en AES 128 bits, et un protocole de routage des données lui même crypté en RSA+AES, de sorte que les fichiers transitent sans que l’on ne sache exactement qui a envoyé ou reçu quoi. Une première version du code source est disponible sur le site d’Anomos, qui recherche désormais des développeurs supplémentaires pour optimiser l’ensemble.

Il y a tout de même une faille dans le protocole, dont les développeurs sont parfaitement conscients. Si toute la chaîne de distribution des fichiers est crypté, il y a un maillon faible : le tracker. Pour assurer la mise en relation des utilisateurs, avant cryptage, le tracker doit connaître les adresses IP des utilisateurs et les fichiers qu’ils désirent recevoir ou qu’ils mettent en partage. Si le système est imperméable de l’extérieur, il nécessite en revanche d’avoir parfaitement confiance dans le tracker et dans ceux qui l’hébergent. Or un exemple récent en Malaisie a montré que même un administrateur diligent pouvait voir son tracker surveillé à son insu. Les développeurs d’Anomos suggèrent donc de trouver une juridiction favorable dans laquelle héberger les trackers de confiance. Ils proposent la Suède, sans savoir peut-être qu’une guerre est actuellement livrée par le gouvernement suédois à l’encontre de The Pirate Bay, un tracker compatriote…

Pour les deux développeurs, il s’agit moins de favoriser le piratage que de favoriser la liberté d’expression. Ils expliquent, non sans provocation, qu’Internet n’est pas un outil de démocratisation comme on le présente souvent, mais un outil « d’anarchisation« . « Aucun pouvoir ne doit être confié à qui que ce soit pour pouvoir diffuser n’importe quel type d’information« , assurent-ils pour défendre l’intérêt politique d’Anomos.

C’est tout le paradoxe que doivent affronter ceux qui gouvernent. En pensant faire respecter les lois et l’autorité en chassant le piratage, ils favorisent en fait le développement d’outils qui renforcent l’anonymat et l’anarchie.


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