Le débat sur la responsabilité du développeur pour le code qu’il produit, notamment pour leur entreprise, a été mis sur le devant de la scène en 2017 par l’affaire des tests environnementaux truqués de Volkswagen, dans laquelle un responsable technique a été condamné pour les logiciels dont il a dirigé la conception. Et ce débat se poursuit encore aujourd’hui, alors que des développeurs de Google contestent l’engagement de l’entreprise dans des programmes militaires et que des ingénieurs de Twitter demandent des comptes à leur patron sur sa tolérance vis-à-vis des néonazis sur la plateforme.
Un sujet sur HackerNews / Y Combinator ouvert au début du mois d’août 2018 pose la question plus ouvertement au lectorat de développeurs du site : quelle est la chose la moins éthique que vous avez faite au travail ? La suite est une succession de réponses, invérifiables, car anonymes, mais suffisamment documentées et précises pour croire à la bonne foi de leurs auteurs, protégés par pseudonymat. Florilège.
Ah, les débuts du web
« J’ai créé une barre d’outils pour un réseau publicitaire qui a été utilisée par 200 000 personnes. Cela ajoutait des publicités sur toutes les pages web et remplaçait tous les résultats dans la recherche par des annonces publicitaires ».
Arnaque à l’enchère
« J’ai bossé pour un site de micro-enchères. Des gens faisaient des petites enchères d’un centime sur des consoles de jeu, des télévisions, des voitures… l’utilisateur qui avait fait la plus haute enchère pendant 60 secondes pouvait payer le lot au prix indiqué, mais chaque enchère coûtait 50 centimes pour être placée. L’idée était de faire acheter une voiture à 20 000 dollars pour 500,37 dollars… mais avec le prix de l’enchère, l’entreprise gagnait 50 037 fois 50 centimes. Problème : j’ai codé des bots qui enchérissaient automatiquement pour l’entreprise jusqu’à atteindre un certain seuil. J’ai quitté ce job après ça. »
L’éthique environnementale
« J’ai bossé pour une compagnie qui avait pour client l’agrochimiste Dow qui avait demandé une app pour faire la promotion de substances extrêmement toxiques. On parlait de trucs si toxiques que si des animaux mangeaient de l’herbe qui en avait reçu, les récoltes qui poussaient sur leur fumier n’étaient pas comestibles par l’homme. Nous avons également menti sur les calculs montrant combien un agriculteur pouvait économiser avec ces produits. »
Programmer sa réputation
« Quand Jared Kushner a acheté le journal New York Observer, j’ai été employé pour diriger l’équipe technique […]. Il m’a demandé, discrètement, de faire disparaître tous les articles qui critiquaient ses collègues dans l’immobilier… et je l’ai fait. »
Tant pis pour les fans
« Il y a 15 ans, j’ai fait un petit logiciel qui achetait automatiquement des entrées sur Ticketmaster pour des concerts et des événements sportifs. On utilisait des centaines d’ordinateurs pour acheter ces tickets. » Et les revendre plus cher, bien entendu.
Ils nous volent notre travail
« J’ai programmé un outil qui a remplacé des employés chez un client. »
Pas vu, pas pris
« J’ai utilisé des fonctionnalités git avancées pour supprimer l’historique des modifications du code pour effacer des activités illégales, juste avant l’acquisition de mon entreprise »
Générer de la frustration
« Dès que nous avions un nouveau client, nous installions notre produit et notre base de données, mais nos règles nous imposaient de ne pas faire d’optimisation, pas même le moindre index sur la base. En quelques mois, la base de données devenait de plus en plus lente. On envoyait alors un consultant qui lançait un script pour ajouter quelques petits trucs, notamment un index. On faisait payer ça très cher. »
Qui est le plus malin ?
« On a eu une mission. Mon équipe a trouvé un outil en ligne qui faisait exactement ce que le client voulait. Le patron l’a acheté : on a fini le projet en un jour. Le patron a facturé tout le mois (l’estimation originale du temps de développement) et nous a fait bosser sur un autre projet, rémunéré également. »
Le diable se cache dans les détails
« Mon père bossait sur un gros projet industriel et, proche de la fin, un ingénieur responsable qualité devait s’assurer que tout allait bien. Avant son arrivée, ils ont détruit des bouts visibles du projet (enlevé un boulon, cassé un tuyau…) pour que l’ingénieur ne s’attarde pas sur les détails qui n’allaient pas et qui étaient difficiles à résoudre et qui ne pourraient de toute façon pas être résolus dans le temps imparti par le client. Tout le monde était content au fond : le responsable qualité avait trouvé des soucis, le client avait sa machine à temps et cela n’avait pris qu’une après-midi de saboter le tout… »
«J’étais jeune et je savais pas ce que je faisais »
Client pénible ? On lui vole son business
« On hébergeait des serveurs dédiés et la plupart du temps, il s’agissait de clients qui vendaient des prestations de serveur mail ou d’hébergement web partagé sur un seul serveur.
Un client nous a rejoints et a commencé la migration de son business depuis un concurrent. On s’est demandé pourquoi il avait fait ça, parce que les concurrents étaient meilleurs que nous et il s’est avéré que le client avait été viré de chez eux parce qu’il était trop pénible. Il envoyait des dizaines de requêtes pour des optimisations, des améliorations et d’autres trucs qui n’étaient pas couverts par son contrat. Évidemment, c’est devenu un enfer pour nous rapidement. Bref…
Il a fini par nous coûter plus qu’il nous rapportait et cela a gonflé le boss. Il a demandé à mon responsable a de trouver quelqu’un pour faire la chose suivante : exporter sa base de données et en faire une copie chez nous. J’ai accepté la tâche parce qu’on m’a dit que c’était simplement un backup. J’étais jeune et je ne savais pas ce que je faisais. Je me sens mal maintenant parce que… on l’a viré de chez nous un mois plus tard et on a proposé à tous ses clients un hébergement web ou un serveur web gratuit pour un an, prestation de migration comprise. On l’a ruiné. »
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.