Le journal Le Monde, qui propose par ailleurs un très bon article sur les effets de la lutte contre le piratage, publiait en fin de semaine un récapitulatif des positions des différents partis politiques sur leurs intentions législatives en matière culturelle. « Plus que du désintérêt, ce silence dénote un trouble« , écrit le quotidien en remarquant que le sujet est évité par les principales formations du pays. S’il est évité, c’est qu’il dérange.
« Les partis politiques s’interrogent et s’entourent d’experts, comme jamais ils ne semblaient l’avoir fait jusque-là […] Les candidats ne peuvent plus se contenter d’aligner quelques propositions consensuelles. Comme si, entre 2002 et 2007, des certitudes avaient été emportées et la parole libérée. La crise des intermittents du spectacle, la secousse provoquée par la loi sur le droit d’auteur sur Internet sont passées par là.«
Du côté de l’UMP de Renaud Donnedieu de Vabres, les cartes sont relativement claires. Nicolas Sarkozy a été l’architecte du retournement de l’Assemblée lorsqu’elle est revenue sur son vote de la licence globale. L’industrie culturelle, proche du candidat de la droite majoritaire, lui est donc reconnaissante. « Dans ce monde plutôt acquis à la gauche, il est parvenu à susciter « le respect », voire « l’amitié », concède Denis Olivennes« , note Le Monde. Denis Olivennes, c’est ce patron de la FNAC qui, lors des débats sur la loi DADVSI, osait se vanter publiquement de ne pas réussir correctement son travail. Plus de 95 % du catalogue musical de l’enseigne se vend à moins d’un exemplaire par an et par magasin, disait-il en d’autres mots.
Ségolène Royal sous l’influence des éléphants socialistes
Du côté socialiste, les cartes sont beaucoup plus floues. Nous avions rapporté la position de Ségolène Royal, contre les DRM et la loi DADVSI et à demi-mots en faveur de la licence globale. Mais plus récemment, nous écrivions que « le ralliement récent de Jack Lang fait craindre la nature de la future politique culturelle de la candidate…« . Dans le mille. « Dans l’entourage de la candidate, Jack Lang ou l’adjoint au maire de Paris chargé de la culture, Christophe Girard (PS), ne désespèrent pas de « la faire changer d’avis ».« , rapporte Le Monde. Si l’on traduit, la promesse de la candidate à l’endroit des internautes ne vaudra que le temps de la campagne. Si elle est élue, elle révèlera sans doute qu’elle a finalement changé d’avis après une longue réflexion avec ses amis socialistes, et en particulier en entendant la sagesse de l’ancien ministre de la culture Jack Lang… Même si elle était convaincue à titre personnelle, dans une gauche proche de l’industrie culturelle Mme Royal n’aura pas la majorité pour révolutionner la loi DADVSI. Sa proposition ne fait d’ailleurs pas partie du programme socialiste.
Même les Verts font marche arrière. « Nous étions a priori favorables à la licence globale, mais la question est beaucoup plus complexe« , avoue ainsi Hervé Pérard, adjoint au maire d’Evry qui anime la commission culture des Verts.
Les socialistes évitent, les frontistes profitent
Cette confusion dans l’opposition profite au Front National. « Je ne sais pas si l’abrogation de la loi DADVSI sera proposée par la gauche, mais elle figurera à notre programme« , indique au Monde Philippe Herlin, animateur du projet culturel du FN et directeur de cabinet de Marine Le Pen. Peu importe qu’il s’agisse, ou non, d’une simple déclaration démagogique. Comme beaucoup, nous avons pu observer au cours des derniers mois une forte montée en puissance du Front National sur Internet. Les internautes qui votent pour le parti d’extrême droite ne cachent plus leurs intentions derrière une honte qui a disparu, peut-être sous l’effet de 2002 et peut-être sous l’influence de Nicolas Sarkozy, qui selon certains analystes aurait banalisé des thèmes de campagne et des idées auparavant étiquettées « lepenistes ». Jean-Marie Le Pen, qui n’est pas le plus moderne des candidats, est paradoxalement l’un de ceux qui a le plus adopté Internet dans sa campagne. Souvent laissé à la marge par les médias traditionnels, Le Pen propose chaque semaine son podcast vidéo. Sa campagne, sous-terraine comme les précédentes, se joue désormais aussi sur Internet avec une visibilité qu’il n’a jamais eue.
Dans ce climat, la loi sur le droit d’auteur ne peut pas rester à la marge des débats présidentiels. La place du droit d’auteur dans la société est l’un des sujets qui tient le plus à coeur les internautes, dont le poids électoral encore mal apprécié est probablement très important. S’ils restent minoritaires en nombre, les internautes qui se passionnent pour ces questions sont en revanche parmi les plus influents, au delà même de la sphère internet. Le débat sur la Constitution Européene l’a démontré.
Il y a donc un risque considérable à laisser le Front National s’emparer seul du débat sur la loi DADVSI et le laisser être le seul parti politique à affirmer clairement dans son programme et sans ambiguïté son intention d’abroger la loi sur le droit d’auteur. Il est évidemment improbable que la loi DADVSI soit abrogée puisqu’elle transpose une directive européenne, mais il est essentiel qu’elle soit révisée pour assouplir ses dispositions et permettre de nouveaux types de rémunérations qui ne soient pas associés à la menace pénale du téléchargement.
L’UDF de François Bayrou (étrangement oublié par Le Monde) est le seul grand parti républicain à avoir placé une révision de DADVSI dans son programme. Mais le parti du Centre, qui lui aussi mise beaucoup sur Internet pour sa campagne, ne va pas assez loin dans sa démarche. Il se contente de valoriser le droit à la copie privée et de demander une évaluation indépendante de la loi, sans décrire précisemment quelle serait sa politique culturelle pour Internet. Face à la menace de l’influence de l’extrême droite y compris sur ce terrain, il serait sage que l’UDF prolonge sa pensée et parvienne à affirmer une position claire.
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