Le téléchargement d’oeuvres protégées par le droit d’auteur est-il légal ? Oui. Il est permis de le dire haut et fort après un dernier jugement qui va jusqu’à écarter les demandes fondées sur des téléchargements. Mais la mise en partage, elle, reste illégale.

La conclusion est connue depuis l’affaire de Rodez où un jeune qui avait copié 488 films sur CD-rom avait été relaxé d’abord en première instance, puis par la cour d’appel de Montpellier. Les juges s’étaient basés sur l’exception pour copie privée pour confirmer que la copie d’œuvres n’était pas en soi illégale en soi et qu’elle ne peut donner lieu à condamnation.

Le 20 septembre c’est le Tribunal de grande instance du Havre qui a confirmé avec force cette interprétation. En fait, le juge n’a même pas eu à se prononcer sur les téléchargements, puisque le procureur de la République, qui détermine les chefs d’inculpation, « n’a pas retenu, après le débat, l’infraction de reproduction de fichiers« . « Alors qu’il disposait de tous les moyens de preuve (par constat des enquêteurs) lui permettant de poursuivre les actes de téléchargement, le parquet a, ainsi, estimé que l’infraction n’était pas constituée« , explique Lionel Thoumyre sur Juriscom.net.

Mais l’affaire n’en reste pas là puisque comme vous le savez, le P2P est par nature bidirectionnel. Il y a ce que l’on télécharge, et il y a ce que l’on partage pour permettre aux autres de télécharger. Or la mise en partage est bien illégale au regard du Droit, ce que n’a pas manqué de reconnaître comme d’autres avant lui le TGI du Havre. L’internaute, qui avait partagé très exactement 14.797 fichiers MP3 a été condamné au versement de 500 € d’amende pour le parquet et 3000 € de dommages et intérêts pour la Sacem, unique partie civile restante. La Société pour l’Administration du Droit de Reproduction Mécanique (SDRM) s’est désistée de sa demande puisqu’elle ne peut prétendre de dommages que sur les actes de reproduction des enregistrements sonores, qui ont ici été confirmés légaux.

Je contrôle, tu payes

« Cette décision, bien que juridiquement orthodoxe, démontre une fois de plus l’absurdité de la situation actuelle. Pourquoi s’acharne-t-on à poursuivre des particuliers qui ne tirent aucun revenu des œuvres qu’ils partagent ? Est-ce pour l’exemplarité ? Est-ce pour prouver que le droit exclusif d’interdire la mise à disposition peut être appliqué sur Internet, même si les poursuites ne concernent que 0,0025% des p2pistes ?« , demande avec insistance Lionel Thoumyre, également juriste responsable des nouvelles techiques à la Spedidam, une société d’artistes-interprètes qui défend avec vigueur un projet de licence globale.

L’enjeu de ces plaintes (sans doute gelées pour quelques mois ou années) n’est pas de condamner le pirate, mais plutôt d’entretenir l’idée que la musique et la culture se contrôle par le haut. La France du bas, celle qui utilise eMule (en tout cas ceux qui y ont accès), doit se contenter d’acheter sa culture là où elle lui est autorisée à le faire. L’enjeu des plaintes est le contrôle de la distribution et la sauvegarde d’un monopole totalement incompatible avec la déconcentration des accès au savoir provoquée par Internet. Une licence globale telle que celle proposée par la Spedidam peut être critiquée sur de nombreux points. Mais il faut au moins lui reconnaître le mérite de permettre à tout un chacun de diffuser des œuvres sans risquer comme au Havre de devoir payer 3500 euros. « Cela pèse tout de même très lourd sur le budget d’un prévenu, père de trois enfants, dont le revenu mensuel s’élève à 1500 €« , note Lionel Thoumyre.

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