La très haute altitude, située entre le ciel et l’espace, est désormais un nouveau théâtre à considérer. Après l’affaire des ballons chinois au-dessus des États-Unis, la France se dote d’un plan pour détecter, et le cas échéant intercepter, toute menace.

L’affaire avait défrayé la chronique aux États-Unis il y a deux ans et demi. Très haut dans le ciel, un ballon d’observation chinois avait été repéré d’abord au-dessus de l’Alaska, avant de dériver vers l’est du pays. Puis, trois autres aérostats du même genre avaient été détectés, toujours à très haute altitude. Décision avait finalement été prise de les abattre.

Or, que se passerait-il si une situation analogue se présentait au-dessus du territoire national ? Voilà en somme la question qui a jailli dans la réflexion des politiques comme des militaires depuis ces incidents outre-Atlantique. Une question que Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, propose de résoudre avec une stratégie française de très haute altitude.

« Qu’est-ce qu’on fait, nous Français, entre 20 et 100 kilomètres ? », a ainsi interrogé le ministre, pour désigner cette large couche de l’atmosphère où ces aérostats ont évolué — et qui se situe entre l’espace exo-atmosphérique (par convention, on dit que l’espace démarre à 100 km d’altitude) et l’espace aérien contrôlé, zone de l’aviation.

Présentée durant l’édition 2025 du salon du Bourget, le 17 juin, la nouvelle stratégie nationale de la très haute altitude — qualifiée de « zone grise » en raison d’un flou juridique entre l’air et l’espace — se compose donc de trois axes : détecter ce qui s’y passe, intercepter ce qui s’y trouve, si cela s’avère nécessaire, et occuper le terrain.

Entraînement des aviateurs à intercepter des menaces en très haute altitude

Comme les Américains, donc, le ministère des Armées entend assumer l’usage de la force pour traiter ce type de menace — qu’il s’agisse de ballons ou bien de n’importe quel autre péril qui pourrait circuler dans cette bande atmosphérique, comme un missile hypervéloce ou un avion espion. Mais comme il s’agit d’un environnement peu familier, il va falloir s’entraîner.

D’où la décision prise par le général Jérôme Bellanger, chef d’état-major de l’Armée de l’air et de l’espace, de conduire des campagnes de tir et d’interception, en utilisant notamment des cibles qui seront lancées par le centre national d’études spatiales (Cnes), en lien avec la direction générale de l’armement (DGA).

Ces exercices promettent d’être utiles. Ils entraîneront les aviateurs à évoluer dans un environnement très vertical, avec des aéronefs qui ne peuvent pas aller aussi haut qu’un ballon (le plafond opérationnel du Rafale est de 15 km). Ils permettront aussi de constater la portée et l’effectivité des armes (tir au canon ou lancement de missiles).

Le ballon d'espionnage aperçu par un citoyen américain dans l'État du montana. // Source : Chase Doak
Le ballon d’espionnage aperçu par un citoyen américain dans l’État du Montana. // Source : Chase Doak

Ces essais permettront aussi de déterminer les manques et les besoins de la chasse française pour traiter des menaces à très haute altitude, ce qui pourrait orienter par ailleurs certains développements concernant le prochain standard du Rafale (F5) et le New Generation Fighter (NGF), qui doit lui succéder à partir de 2040.

Dans le cadre de ces expérimentations, il est prévu de mobiliser des avions Rafale, mais aussi des Mirage 2000 avec des missiles Aster B1NT. Ce type d’armement est annoncé avoir un plafond opérationnel de 25 km d’altitude, qui est plus élevée que les modèles Aster actuels (13 ou 20 km selon les versions).

« Il faut se demander jusqu’à quelle altitude nos systèmes d’armes peuvent encore agir efficacement », a argué Sébastien Lecornu. Aux États-Unis, les avions chinois avaient été descendus par des F-22 et F-16 armés de missiles AIM-9 Sidewinder. Les ballons évoluaient une altitude d’environ 18 à 20 km, juste sous le seuil de la très haute altitude.

Cette zone est considérée comme difficile d’accès, en raison de la raréfaction de l’air, ce qui complique la circulation des avions. Hormis des aéronefs très spécifiques comme le Lockheed U-2 ou le Lockheed SR-71 Blackbird, les avions de chasse évoluent plutôt sous le seuil des 20 km d’altitude. D’où le sentiment d’une zone de l’espace aérien non contrôlée.

Dassault Rafale avion
Un Rafale en vol. // Source : David Álvarez López

Détecter, mais aussi investir le milieu

Mais avant de parler d’interception, le ministre a prévenu : « il n’y a pas de schéma dans lequel on peut parler de tout ça si on est aveugle. » Il faut que la France dispose de moyens de détection adéquats. Il faut par ailleurs pouvoir s’y projeter. Par chance, la France dispose déjà une structure de détection spéciale, appelée Nostradamus.

Mise en place par l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), il s’agit d’un démonstrateur radar pouvant voir jusqu’à une distance de 3 000 km, et le ministre des Armées a justement promis un financement « à hauteur de plusieurs millions d’euros » pour « renforcer » ses capacités face aux divers périls.

Enfin, pour investir ce domaine, la France compte sur le Balman, un ballon manœuvrant produit par Hemeria avec le soutien du Cnes qui doit permettre dès 2025 « d’avoir une capacité d’observation permanente de zones d’intérêt », et, par la suite sur l’avion solaire Zéphyr (Aalto, filiale d’Airbus) et le dirigeable de Stratobus (Thales).

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