Certains pays européens, dont l’Espagne, se positionnent en faveur d’un scan de tous les messages privés, y compris ceux chiffrés. Officiellement, il s’agit de lutter contre le contenu à caractère pédopornographique, mais les implications pourraient être bien plus larges.

Lorsque vous envoyez un message sur certaines messageries, comme WhatsApp ou Signal, votre message est chiffré de bout en bout : seul votre destinataire et vous peuvent les lire. Mais certains pays européens voudraient pouvoir les scanner malgré tout, pour y détecter de potentiels contenus pédopornographiques.

Un document confidentiel obtenu par Wired révèle les positions des pays européens sur le chiffrement des données dans le cadre de la préparation du projet de règlement européen CSAM (pour « Child sexual abuse material »), qui vise à lutter contre « l’utilisation abusive des services en ligne à des fins de commission d’abus sexuels sur des enfants ».

Parmi la vingtaine de pays (la France n’est pas citée dans le document), la grande majorité s’est prononcée en faveur d’une forme de scan des conversations chiffrées. « Idéalement, de notre point de vue, il serait souhaitable d’empêcher par la loi les fournisseurs de service basés dans l’UE de mettre en place du chiffrement de bout en bout », va jusqu’à affirmer un représentant espagnol dans le document. 

Le chiffrement de bout en bout est un enjeu de santé // Source : Canva
Le chiffrement de bout en bout permet la protection de vos échanges privés // Source : Canva

Un champ d’application qui dépasserait celui des contenus pédopornographiques ?

Dans le cadre du règlement CSAM, Apple avait déjà renoncé à mettre en place un outil appelé NeuralMatch, présenté comme une solution pour scanner les photos de l’iPhone pour détecter la pédopornographie.

Une telle exception pourrait avoir un champ d’application plus vaste si elle voyait le jour. Ainsi, pour Chypre, il est « nécessaire » que les autorités aient la capacité d’accéder à des communications chiffrées, pour enquêter sur des crimes d’abus sexuels, et l’« impact de cette réglementation est significatif, car cela posera un précédent sur d’autres secteurs dans le futur

Des pays comme l’Espagne, Chypre ou la Hongrie verraient « cette loi bien au-delà de ce que le département de la Commission européenne affirme qu’elle est faite pour », assure Ella Jakubowska, une conseillère pour le collectif d’ONGs European Digital Rights (EDRI), interrogée par Wired. Dans le document, la Pologne proposait de son côté que des mécanismes soient mis en place pour lever le chiffrement sur décision judiciaire ou que les parents aient la possibilité d’espionner les conversations de leurs enfants. 

Plusieurs nations émettent aussi l’hypothèse de déchiffrer les messages sur demande, tout en préservant le principe du chiffrement, un exploit qui relève de l’impossible selon les experts. 

Certains pays se montrent plus prudents

D’autres pays se sont fermement prononcés contre cette option, semblant notamment camper sur des principes de vie privée de leurs ressortissants, de sécurité nationale et de développement économique. L’Allemagne explique qu’elle ne validera le projet de texte qu’à la condition qu’il soit précisé qu’aucune technologie ne soit utilisée pour perturber, contourner ou modifier le principe du chiffrement. De son côté, l’Estonie a fait remarquer que certaines entreprises de la tech pourraient très bien trouver d’autres systèmes pour garder les données de leurs utilisateurs secrètes, ou simplement quitter l’Union européenne.

Les experts en cybersécurité affirment que créer des « portes dérobées » dans les communications chiffrées ou d’autres moyens de les déchiffrer affaiblirait la protection offerte par ces services. Et si les autorités étatiques sont en mesure d’interpréter ces messages protégés, alors des cybercriminels ou des hackers travaillant pour des nations ennemies pourraient tout aussi facilement y parvenir.

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