L’affaire « Tarif 22 » est l’une des affaires majeures en Droit d’Internet canadien. Elle a des ramifications très importantes sur des problèmes clés tels que la responsabilité des intermédiaires ou la compétence des juridictions. La décision de la Cour Suprême est donc très attendue, aussi bien par les juristes que par les industriels dont une partie des activités pourrait être affectée. Ce mercredi, la SOCAN (l’équivalent de notre SACEM nationale), l’Association Canadienne des Fournisseurs d’accès à Internet, et quelques autres intervenants comme l’Association Canadienne de Television par Câble, l’Association Canadienne de l’Industrie du Disque (la RIAA locale) et plusieurs autres FAIs feront entendre leurs arguments dans la plus haute juridiction du pays. La décision de la Cour n’étant pas attendue avant plusieurs mois.
Dans cette affaire, la SOCAN cherche à imposer une taxe aux fournisseurs d’accès sous prétexte qu’ils exercent une « communication au public » en permettant le téléchargement de musique via Internet. La Commission des Droits d’Auteur avait dans un premier temps reconnu que l’on pouvait imposer une taxe sur ceux qui mettent à disposition de la musique via un serveur situé au Canada, mais pas sur les fournisseurs d’accès qui n’ont qu’un rôle de « tuyau », au même titre que les compagnies de téléphones vis à vis de leurs abonnés. En appel, la Cour fédérale avait quant à elle reçu en partie les arguments de la SOCAN en reconnaissant que les FAI qui se prêtent à un « caching » des données effectuent une communication au public soumise à la taxe. La mise en mémoire sur leurs serveurs des pages et fichiers les plus demandés n’étant pas une nécessité technique mais un outil commercial permettant d’offrir un meilleur service, il est normal selon les juges d’appel que les FAI rémunèrent les ayants droits pour la musique ainsi transférée.
Le tariff 22 fixé par la SOCAM imposerait aux FAI (mais au final aux consommateurs):
a) pour les services de télécommunications qui ne touchent aucun
revenu provenant de publicité sur le service : 0,25 $ par
abonné;
b) pour les services de télécommunications qui touchent des
revenus provenant de publicité sur le service : 10 pour cent des
revenus bruts, sujet à une redevance minimale de 0,25 $ par
abonné.
Le problème de la décision de la cour fédérale est qu’elle se base sur le procédé du « caching » pour imposer aux FAI une rémunération due au téléchargement de musique par leurs abonnés. Or la technique vaut pour les pages web, pas pour le P2P qui a presque totalement remplacé les sites Internet « cachés » pour le transfert de fichiers MP3. Si quelques expériences de caching ont été réalisées pour Kazaa et sont en cours de développement pour eDonkey, elles restent cependant bien trop mineures pour justifier une taxation basée sur la mise en cache des données transférées. L’argument technique majeur de la SOCAM a donc déjà disparu, en seulement deux années. Enfin précisons que si la Cour Suprême confirmait la décision de la cour fédérale, le tarif 22 ne légaliserait en rien le téléchargement de MP3 au Canada. Il ne ferait qu’exempter les FAI de procédures judiciaires.
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