Mozilla a annoncé que Firefox prendra en compte les menottes numériques EME (extensions pour médias chiffrés), malgré les multiples difficultés qu'elles occasionnent. La fondation a expliqué ne pas avoir le choix et promis de faire son possible pour que ce support soit le moins problématique possible.

Entre les convictions et le pragmatisme, Mozilla a choisi. À l'image d'autres problèmes auxquels est confrontée la fondation (comme la prise en compte du format vidéo propriétaire H.264 et l'arrivée d'encarts publicitaires dans Firefox pour réduire sa dépendance financière envers Google), et qui lui posent des difficultés de fond, l'organisme a encore une fois opté pour le réalisme, quitte à égratigner ses principes.

Sur l'un des blogs de la fondation, le directeur de la technologie Andreas Gal a annoncé mercredi que le support des extensions pour médias chiffrés (Encrypted Media Extensions, EME) dans Firefox est désormais sur les rails, même si cette implémentation se fera à contrecœur. Mozilla le regrette, mais explique qu'elle s'avère nécessaire vu l'évolution générale du marché en faveur des EME.

Les extensions de médias chiffrés

Début 2013, le Worldwide Web Consortium (W3C) a créé la surprise en démarrant des travaux sur des spécifications de mesures techniques de protection (DRM) pour HTML5 alors qu'il s'est jusqu'à présent toujours attaché à défendre la conception d'un web ouvert et transparent. Malgré les nombreuses protestations, de l'EFF notamment, les EME ont été confirmés par un W3C très déterminé.

Concrètement, le projet implique deux ajouts au standard HTML5, qui a été formalisé fin 2012 : les EME, qui fournissent des API permettant de contrôler, avec chiffrement des contenus, la lecture d'un média intégré à une page web HTML ; et les extensions pour sources de médias (Media Source Extensions) qui permettent d'utiliser JavaScript pour générer des flux de médias.

Les EME risquent d'empêcher l'enregistrement de vidéos vues depuis un navigateur sans l'utilisation d'un module propriétaire, d'exposer les internautes à des règles potentiellement abusives édictées par les fournisseurs de médias, de nuire à l'interopérabilité, d'entériner l'intégration de logiciels non-libres au sein des standards du web et de pérenniser des modèles économiques oppressants.

La réalité du terrain

Le problème, c'est qu'aujourd'hui la fondation Mozilla est seule à s'opposer aux EME. Les principaux concurrents de Firefox ne sont pas touchés par son cas de conscience puisqu'ils acceptent sans difficulté les spécifications du W3C pour le EME. Idem pour l'industrie du divertissement, qui y voit une bonne occasion de resserrer son contrôle sur les contenus culturels qui circulent sur la toile.

Si Mozilla refusait quand même les EME, que se passerait-il ? Pour Andreas Gal, c'est une évidence : les internautes basculeraient vers un concurrent qui lui est capable de gérer les contenus sous EME. Dit autrement, Firefox risque d'organiser le départ de ses utilisateurs s'il s'arc-boute sur ses principes. Car ce qui importe à l'immense majorité des internautes, c'est d'accéder aux contenus.

Une fonctionnalité très encadrée

Maintenant que Mozilla a acté l'existence des extensions de médias chiffrés, il reste à déterminer la façon dont ce DRM sera géré par Firefox. Selon la fondation, il n'est pas question d'écrire la moindre ligne de code propriétaire ni d'élaborer un quelconque module destiné à lire les médias encadrés par un EME. C'est l'entreprise Adobe qui va s'en charger, via une sandbox open source.

Cette sandbox doit servir à isoler au maximum le module qui sera chargé de déchiffrer les contenus (CDM, Content Decryption Module). Optionnel, ce module ne devrait avoir aucun impact en dehors de son espace d'exécution. Il n'agira que sur la page en cours, où figure le contenu audiovisuel sous EME, sans accéder ou communiquer avec une quelconque autre ressource.

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