Les britanniques et leur amour de la musique, à la fois un peu désuet et empreint d’une fidélité sans commune mesure, ont encore déjoué les pronostics en portant les ventes de vinyles au-delà des chiffres du numérique. Un record (no pun intended).

C’était il y a à peine 10 ans. En 2006, le vieux vinyle était proche de la mort clinique. Les labels n’en gravaient quasiment plus et le marché était devenu minuscule, la mort de la galette était proche et le téléchargement illégal allait achever ce vieux résistant venu d’un autre siècle. Et pourtant, les audiophiles ont tenu bon, soutenus par les hipsters et autres nouveaux fans, et ont finalement déjoué les pronostics. En 2016, le business du vinyle n’est plus seulement en essor comme on le lit souvent, mais en véritable explosion.

Au Royaume-Uni la tendance est si profonde que la semaine passée, les ventes de vinyles ont rapporté à l’industrie 2,4 millions de livres quand les ventes numériques n’en rapportaient que 2,1 millions. Le chiffre est peu banal : la technologie vétuste de la galette a pris le pas sur l’avenir auto-proclamé de l’industrie. Les Anglais ne font décidément rien comme personne.

Du vinyle en France

Enfin, pas tout à fait. En France, l’enthousiasme n’est peut être pas aussi radical qu’en Angleterre, mais la tendance est également en train de s’installer profondément. Les rayons vinyles s’élargissent à vu d’œil, et aujourd’hui, il devient rare de trouver un label qui ne grave pas les galettes de ses artistes. Mais malgré cela, les chiffres ne sont pas les mêmes qu’outre-Manche, et la raison de cet essor plus faiblard se trouve peut être dans les étales francophones.

En effet, il existe en France une sorte de discrimination au vinyle : comprenez par là que certains artistes n’ont jamais le droit à la gravure. Pour étayer notre propos, voici une brève démonstration. En prenant le top Spotify français, nous pouvons voir que le duo PNL est une véritable référence populaire du paysage musical français. Et pourtant le duo de rappeur peace and lovés n’a jamais proposé de vinyle en vente. À l’inverse par exemple de Vincent Delerm qui est pourtant moins bien classé par Spotify. Nul besoin d’épiloguer, vous voyez notre argument assez facilement : pour les distributeurs français, le vinyle demeure une pratique élitiste.

Et plus encore, il y a encore une discrimination culturelle à l’égard du rap — la France reste la France. Si nous allons plus loin, les seuls vinyles de rap français sortis ces derniers mois sont plutôt peu nombreux : le gros des ventes est assuré par Doc Gynéco et la réédition de son excellent Première Consultation, et le reste se répartit entre Maître Gims et ses énormes tirages et les rappeurs appréciés par un public peu porté sur le rap (S-Crew, Nekfeu, Giorgio).

Drake, dont Views était une exclusivité Apple

Drake, Views

Or les labels américains et anglais sont moins réticents à sortir des vinyles pour l’ensemble de leur collection : le géant des charts Drake a par exemple eu droit à une belle édition, et même Les Gardiens de la Galaxie qui caracolent en tête des ventes vinyles pour les BO. Le vinyle n’est déjà plus dans le monde anglophone un symbole d’élitisme culturel et c’est certainement la clef de son succès.

La diversité est le seul renouveau du vinyle qui compte

Des disquaires et des professionnels interrogés par le Guardian après cette folle semaine de ventes ne mâchent pas leurs mots : pour eux, le renouveau du vinyle s’est démocratisé et concerne aujourd’hui beaucoup de jeunes et des publics divers. Ainsi Kim Bayley, de l’Entertainment Retailers Association (ERA) explique : «  Nous avons une nouvelle génération qui achète des vinyles, de nombreux adolescents et jeunes de moins de 25 ans, qui veulent acheter les vinyles de leurs artistes préférés et ainsi avoir ainsi quelque chose de tangible et de durable. Les gens souhaitent désormais exprimer leur soutien aux artistes en achetant quelque chose qu’ils vont réellement posséder. C’est difficile de montrer votre amour pour un artiste sans avoir rien pour s’y accrocher. »

Du côté de Talbot Road, Sean Forbes, disquaire qui a vécu l’âge d’or de la galette comme son déclin et son retour, se satisfait de ce regain de force qui selon lui est désormais réel et tangible non pas grâce aux chiffres de croissance, mais grâce à la diversité des achats des clients. Il dit : « Cela change des gens qui, avant, visitaient Londres et s’arrêtaient ici seulement pour acheter London Calling des Clash en vinyle, ce que nous pensons être plutôt débile. Et les gens ont toujours voulu acheter Dark Side of the Moon en vinyle, ce qui est également déprimant. Mais bon, les gens achèterons le putain de Dark Side of the Moon quand nous serons tous morts depuis deux cent ans. »

Cette clientèle pratiquant du tourisme musical et achetant des vinyles mythiques pour les afficher dans leur salon, à côté d’un masque africain et d’une carte postale des Maldives, n’est pas, pour Forbes, la clientèle qui soutient économiquement le retour aux vinyles, que les professionnels nomment avec poésie le back to black.

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Ce qui aujourd’hui donne le sourire aux disquaires, ce sont les ventes de galettes à des kids de 15 ans qui viennent chercher des disques de tous genres, toutes époques, et avec enthousiasme.

Le retour au noir est en fait surtout un retour à la musique et à sa passion.

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