Le Brexit était impossible. Donald Trump était impossible. Marine Le Pen est impossible. Ce dimanche 23 avril 2017, les Français ont décidé par le vote que la présidence de la République serait remise entre les mains du candidat d’En Marche, Emmanuel Macron, ou de la candidate du Front National, Marine Le Pen. Trois jours plus tard et moins de deux semaines avant le second tour, écrire que le pays et le monde ont changé par rapport au second tour de 2002 qui opposa Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen est un poncif. Et déjà à l’époque, on ne peut que se rappeler des paroles de certains candidats qui voyaient les résultats du premier tour écrits d’avance.
En 2002, le Front National a pris la place de Lionel Jospin au second tour et en 2017, il pourrait prendre le pays. Ce Front National qui cache son nom jusque sur les affiches de sa candidate, qui refuse qu’on l’appelle extrême droite, qui joue sans honte avec les propositions sociales de Jean-Luc Mélenchon. Ce Front National qui jouit du fait que la jeunesse ne l’emmerde plus comme avant. Mais comme une photographie photoshoppée jusqu’à l’absurde de la candidate Marine Le Pen, tout cela n’est qu’un maquillage qui s’effrite dès que l’on gratte l’épaisse couche de vernis.
En 2017, le Front National (nous répéterons son nom autant de fois qu’il le faut) est nationaliste. Ses propositions pour la France et l’Europe conduiront le pays et l’Union à leur perte, économique et sociale. Le concept même de nationalisme, ce reliquat du XIXe siècle, peut aujourd’hui effrayer tant il est synonyme de repli, de fierté mal placée et surtout, de guerre.
En 2017, le Front National est raciste, discriminant et belliqueux. Il se montre pour le peuple mais déteste son essence même, son cosmopolitisme, ses différences, ses minorités. Il prône un héritage ancré dans le sol et la terre quand la jeunesse construit un avenir dans les cieux — spatiaux ou numériques. Le Front National, c’est vos collègues qui ne sont pas Français qui vivront dans la peur. C’est vos amis homosexuels qui n’oseront plus se tenir la main. C’est votre chargé de TD, brillant philosophe équatorien amoureux de nos penseurs qui ne verra pas son visa renouvelé.
En 2017, le Front National est toujours sexiste et machiste, revendiquant la culture patriarcale comme un totem. Certes, c’est une femme qui porte son mouvement, mais le mouvement en lui-même a voté systématiquement contre la progression des droits des femmes, qu’ils soient sociaux ou économiques.
En 2017, le Front National est contre le progrès social, contre le progrès technologique, contre ce mouvement qui réunit des aspirations aux quatre coins du monde, sans se soucier d’une origine, d’une nationalité, d’une couleur de peau ou d’un genre. D’ailleurs, le Front National ne reconnaît pas le genre.
En 2017, le Front National est l’extrême droite, celle qui musèle la presse, celle qui prive de liberté et encourage la violence, celle qui condamne les plus fragiles, celle qui légitime l’oppression, celle qui combat la vérité, la science, l’écologie. Les 100 premiers jours du président Donald Trump devraient nous rappeler tout cela : toutes ses promesses « sociales » et « sécuritaires » n’ont pas été tenues, ses conseillers sont les oligarques qu’il prétendait dompter, ses discours ne sont que haine, mensonge, incompétence et précipitation, ses décisions, prises parfois dans des accès de colère, favorisent les forts, détruisent l’environnement et menacent la paix.
Si vous nous lisez tous les jours, chaque semaine, chaque mois, ou que vous tombez par hasard, de temps à autre, sur l’un de nos articles, vous savez que Numerama est à l’opposé de ces valeurs, de ces idées et de ces convictions.
Nous voulons que se construise autour de nous un monde tout à la fois plus juste, plus ouvert, plus libre et plus tolérant
Nous voulons que se construise autour de nous un monde tout à la fois plus juste, plus ouvert, plus libre et plus tolérant. Nous voulons inclure plutôt qu’exclure, ouvrir nos portes et nos horizons plutôt que nous enfermer dans un entre-soi morose. Nous sommes des enfants du web qui avons oublié ce qu’était une frontière et nous espérons, peut-être naïvement, que le monde s’ajustera sur ces nouvelles variables au lieu d’opérer une régression pour les enfermer dans un système de pensée, de production et de gouvernement qui a fait son temps.
Nous savons qu’il est impossible de se reconnaître totalement dans un candidat, mais nous savons au moins que nous ne reconnaissons rien de notre ADN dans les idées du Front National. Nous pensons également que le terreau pour un renouveau social et politique a été semé lors de cette campagne. Il ne passe pas par des partis ni par des appareils militants traditionnels : il vient justement du peuple, des femmes et des hommes, solidaires et exaltés à l’idée de construire un futur plus agréable et plus juste que le présent. Il vient de la tech qui se fait civique, de l’écologie qui se fait conscience, du web qui se fait parole libérée et internationale, se jouant toujours des codes et se moquant des barrières.
Ces valeurs, certaines se retrouvent dans les propositions du candidat Macron. D’autres ne sont pas dans son projet mais le candidat n’empêchera pas, à première vue, la société civile de les développer. S’il est élu président de la République, nous ne serons pas plus cléments avec son gouvernement sur les questions qui nous touchent que nous l’avons été avec celui de François Hollande ou avec celui de Nicolas Sarkozy avant lui. Mais pour l’heure, il est important pour nous, contre le fascisme, contre la réaction, contre le passéisme, contre le nationalisme, contre la discrimination, de lui apporter notre soutien.
Ne serait-ce que pour qu’un futur soit possible.
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